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derniers des tympans de nos cathédrales[1] paraissent aussi des figurines de rois debout et les mains jointes, en haut-relief et de trois quarts. Ce qu’il nous importe, en tout cas, de constater ici, où nous ne saurions pousser plus avant l’étude critique de cette pièce si importante, c’est le type qu’elle nous offrait de cette perfection plastique atteinte par nos imagiers du xiiie siècle, de cette noblesse tranquille, de cette sérénité idéale, qui n’excluent pas le sens du mouvement et de la vie, mais qui le disciplinent, pour ainsi dire, avec une mesure parfaite.

La formule d’art qui succéda à celle-ci, qui la transforma, était non moins importante à mettre en lumière : c’est celle que représentent dans l’art de la miniature les fameux enlumineurs parisiens du temps de Philippe le Bel : Jacques Pucelle, Anceau de Sens et Jacquet Maci. Or, cette formule se crée également en sculpture dans les ateliers de l’Ile-de-France. Nous en avions comme témoin cet Ange en bois[2], si expressif malgré ses mutilations, que M. Maciet a retrouvé aux environs de Saint-Germer ; il était accompagné des deux Angelots de M. Martin Le Roy[3], où le sourire aigu des anges rémois s’accentue, sans aller cependant jusqu’à la grimace chère aux ateliers rhénans et germaniques.

Une recherche de grâce et d’élégance plus précieuse s’indique aussi dans ces Vierges contemporaines de la Vierge de la Porte Dorée d’Amiens où Ruskin, dédaigneux de ce qui s’écarte de la noblesse idéale du plein xiiie siècle, ne veut plus voir qu’une soubrette picarde. C’est cependant la charmante vérité familière de la figure maternelle qui se précise dans ces créations, si nobles encore, comme la très belle Vierge en bois de M. Martin Le Roy</ref>Catalogue, no 294.</ref>, si caractéristique de cet art de transition qui fournira aussi matière aux ivoiriers pour tous les chefs-d’œuvre que l’on sait. Un véritable type va se créer, dont le succès se prolongera à travers tout le xive siècle et même, en certaines régions, tout le xve. Les visages souriants, tes attitudes hanchées, les plis fins et abondants, traités un peu de pratique, se répéteront avec de légères variantes, dont plusieurs statuettes de l’Exposition nous montraient des spécimens[4].

  1. Celui du tympan de Bourges, que nous avons cité ailleurs, n’est comparable que pour le style de la draperie ; la tête imberbe est plus expressive et est assez différente.
  2. Catalogue, no 291.
  3. Catalogue, no 295.
  4. Catalogue, nos 293, 301, 302, 303, 410, 417, 309.