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Sixte, où effectivement plusieurs têtes féminines font défaut. Un récent examen sur place ne nous a pas permis de nous ranger à cette opinion : les proportions de la tête et la qualité même de son expression ne s’accordent pas avec les figures subsistantes de cette grande page décorative. Elle pourrait provenir aussi, nous a-t-on dit, d’une construction civile, comme celles de la rue de Tambour. Mais, sauf exception, les têtes que l’on rencontre encore sur les façades des maisons sont d’un style beaucoup moins pur et d’une facture plus rude. Il nous semble bien que c’est dans les chantiers de la cathédrale que le morceau dut être exécuté, et c’est sans doute, suivant nous, au portail gauche du transept nord, celui du Jugement, où figurent, dans les voussures, des Vierges sages et des Vierges folles, qu’il devait prendre place. Plusieurs de ces figures sont restaurées et nous avons probablement ici le débris d’un des originaux, négligé, comme il arrive si souvent, par les architectes restaurateurs. La noblesse et la pureté toute idéale de cette délicate figure aux traits réguliers et calmes, digne du ciseau d’un artiste grec du temps de Périclès, est tout à fait caractéristique de l’art français du milieu du xiiie siècle siècle. Or, c’est bien à cette date que l’on travaillait au transept nord de Reims. Les figures du portail occidental, d’une date un peu plus avancée, témoignent de certaines recherches d’expression, de sourires aigus, de vérité physionomique, qui n’apparaissent nullement encore ici.

Nous les trouvons, au contraire, dans la tête de roi couronnée de M. Albert Maignan[1] qui, si elle vient bien de la cathédrale de Reims, comme on le suppose, appartient à cette dernière période des travaux où, vers le temps de la mort de saint Louis, on décore la façade ouest[2] et notamment la rose, le grand O de Bernard de Soissons. C’est autour de cette rose que nous avons pu, grâce aux échafaudages, observer les types les plus voisins de ce visage déjà animé et souriant, d’une vérité précise et presque individuelle, malgré ce que la facture garde encore de largeur de style et d’allure monumentale.

Dans ses proportions modestes, ce morceau était, ici surtout, du

    sacre de Charles X, gaulé les sculptures branlantes de la cathédrale dont les fragments auraient pu, secoués par les sonneries de cloches, tomber sur les têtes du cortège royal.

  1. Catalogue, n° 200.
  2. Voir, sur la date de cette façade, les travaux récents de M. L. Demaison : Bulletin monumental, 1902, et Album de la cathédrale de Reims.