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Mission des Apôtres ; ces types d’hommes barbus, avec leurs grands bonnets, reparaissent dans Marie-Madeleine parfumant les pieds de Jésus. D’autre part, pour le groupe de droite, ces longues robes ouvertes en rond autour du cou, tombant verticalement jusqu’aux pieds pour s’évaser sur le sol en larges plis anguleux, sont identiques à celles du Mariage de la Vierge, de la Visitation, de l’Ascension. Il en va de même pour certains détails, comme la manière dont les mains sont jointes, et enfin pour la disposition même du groupement, qui est tout à fait dans l’esprit de Fouquet, témoin la Descente de croix et l’Ascension.

Il semble donc légitime de conclure que nous avons là une nouvelle preuve du talent de Jean Fouquet comme émailleur, d’autant plus que la technique de ce médaillon est analogue à celle du portrait du Louvre : c’est une peinture en camaïeu d’or sur fond noir, avec quelques détails indiqués à l’aiguille.

Mais d’où proviendrait cet émail ? Peut-être, bien que ce soit là une hypothèse purement gratuite, du cadre même du diptyque de Melun. L’on sait en effet, d’après les descriptions du xviie siècle publiées par MM. Friedländer et Leprieur[1], que la bordure en velours de ces deux panneaux était garnie, entre autres ornements, d’une série de médaillons[2]. qui devaient être en camaïeu d’or. Ne serait-il pas tentant d’imaginer que nous avons là un fragment de ce somptueux ensemble ?

M. Bouchot l’a affirmé au sujet de l’émail du Louvre[3] ; mais il nous paraît un peu difficile d’admettre que Fouquet se soit ainsi représenté lui-même, de face, avec son nom en évidence, sur une œuvre d’un pareil caractère ; une telle vanité ne concorde guère avec les habitudes des artistes français du xve siècle.

Pour l’émail de Berlin, au contraire, la même hypothèse semble très plausible : car il a visiblement appartenu à une suite de sujets religieux, et nous savons, par la description de Godefroy en 1661, que le cadre du diptyque portait des médaillons « peints admirablement bien » et « représentans quelque histoire saincte[4] ». Notons

  1. P. Leprieur, Jean Fouquet, p. 26, et Bulletin de la Société des Antiquaires de France, 1897, p. 315.
  2. Environ une douzaine, d’après M. Leprieur
  3. Catalogue de l’Exposition des Primitifs français. Paris, 1904, in-8o, p. 19 de la 2e édit. L’émail est peint sur cuivre, et non « sur argent ».
  4. P. Leprieur, Jean Fouquet, p. 25, note 1. — M. Friedländer suppose que ces médaillons représentaient, au volet gauche, l’histoire de saint Étienne, et, au volet droit, l’histoire de la Vierge. M. Leprieur pense que ces sujets devaient être