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DEUX ÉMAUX DE JEAN FOUQUET


Dans un article récent[1], relatif à l’exposition des Primitifs français, M. de Mély a émis une hypothèse nouvelle au sujet du célèbre émail en camaïeu d’or, représentant Jean Fouquet, que le musée du Louvre doit à la générosité de M. de Janzé. D’après notre savant confrère, cet émail ne serait pas, comme on l’a toujours cru, une pièce française du xve siècle, une œuvre de Jean Fouquet, mais aurait été fabriqué en Italie, au xvie siècle.

Cette opinion, que nous ne saurions admettre, repose sur quatre arguments principaux, qui vont être examinés successivement. Suivant M. de Mély, ce camaïeu d’or sur émail ne pourrait pas être attribué à Jean Fouquet, lequel mourut avant 1481[2], parce que la dorure au feu n’aurait été inventée qu’en 1484, par un faïencier de l’école des Abruzzes[3]. On pourrait répondre à cela que si la dorure n’avait pas, à cette date, été encore appliquée à la céramique, il n’en résulterait pas nécessairement qu’elle ne l’eût pas été à l’émail sur cuivre, car le développement de ces deux arts n’est aucunement parallèle ; mais il faut suivre M. de Mély sur le terrain qu’il a choisi. Or voici les arguments sur lesquels il s’appuie.

Un acte cité jadis par M. Cherubini mentionnerait[4] deux céramistes,

  1. F. de Mély, Une promenade aux Primitifs (Revue de l’art ancien et moderne, juin 1904, p. 460 et suiv.).
  2. Cf. Paul Leprieur, Jean Fouquet (Revue de l’art ancien et moderne, 1897, t. II, quatre articles). C’est le meilleur travail d’ensemble sur Jean Fouquet.
  3. Il faut signaler ici une assez singulière erreur de M. de Mély. Dans son article (p. 400) il dit que ce procédé fut inventé par Nardo di Castelli, et renvoie le lecteur à sa Céramique italienne, p. 134. Or, dans ce livre, M. de Mély attribue l’invention à un compatriote de ce Nardo, nommé Antonius Lollus ; on va voir que ce dernier nom doit seul être retenu.
  4. F. de Mély, La céramique italienne. Paris, 1884, in-8o, p.133-139, fig. p. 137