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qu’à moitié pénétrer par leurs nouveaux maîtres. La Flore attribuée à Primatice (coll. d’Albenas) n’a conservé dans son type d’élégance souriante, dans la grâce trop effilée de ses nudités discrètes, qu’un souvenir très adouci et très réchauffé, dans le coloris, du maniérisme bolonais. Dans Diane et Actéon, du musée de Rouen, derrière les nudités, nymphes, satyres, bergers, d’une facture grasse et savoureuse, plus vénitienne que florentine, un paysage boisé, d’une vérité puissante, et un cavalier, un pourpoint rayé, d’une superbe allure, témoignent qu’à Fontainebleau on savait encore regarder la nature, comprendre la vie, et la représenter avec franchise. D’autre part, dans la répétition du célèbre tableau de la Dame au bain se faisant servir une collation (coll. Frederick Cook), où les uns veulent voir Diane de Poitiers et les autres Gabrielle d’Estrées, attribuée aux Clouet, à Quesnel et à d’autres, l’exécution grasse et colorée, à la manière de Pieter Aertzen, de la nourrice, des enfants, des fonds, des accessoires, indique chez quelques artistes une persistance heureuse dans l’observation réaliste. On en trouverait, je crois, dans nos provinces de Loire bien d’autres exemples. Une preuve charmante de cette persistance nous est d’ailleurs offerte par la Danse de paysans autour d’un arbre (coll. Thévenin) ; c’est une pièce vraiment caractéristique, une illustration, vive et contemporaine, des églogues de Ronsard et de Remy Belleau. Le paysage, d’une sincérité remarquable, en retournant à Fouquet, y présage le paysage moderne. Serait-ce une pièce unique ? On ne saurait le croire. De ce côté il ! reste donc beaucoup à chercher et, nous l’espérons, à trouver. Nous voulons sauver, désormais, tout ce qui nous reste de notre glorieux patrimoine trop longtemps dédaigné. Toutes les œuvres de nos ancêtres nous sont chères, dès qu’elles nous apportent une expression sincère de leur sensibilité et de leur pensée.

En attendant, nous serions bien difficiles si nous ne nous déclarions pas satisfaits des résultats obtenus, résultats qui ont dépasse toutes les prévisions et toutes les espérances, même les plus optimistes. Durant trois mois, l’Exposition des Primitifs français n’a cessé d’être fréquentée par des visiteurs attentifs et studieux, de toute profession, de toute classe, de tout pays. Leur nombre, généralement, a été de 1200 à 1500 par jour. On peut donc évaluer à une centaine de mille le chiffre des amateurs qui sont venus, à plusieurs reprises, se fortifier dans la conviction que nos vieux peintres méritaient, comme leurs contemporains du Nord et du Midi, aux xive et xve siècles, une étude attentive, et parfois une profonde admiration.