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avec ceux de Janet, et, par conséquent, de leurs œuvres respectives entre elles, reste non moins difficile à faire : tant la façon de peindre et de crayonner, mise à la mode par Janet, avait dû être rapidement adoptée par tous les artistes travaillant pour la même clientèle mondaine et désireux de lui plaire ! Ce qu’on peut reconnaître chez François, en prenant pour types la Reine Elisabeth (musée du Louvre) et surtout ses crayons au Cabinet des estampes et à Chantilly, c’est une aisance et une souplesse charmantes, parce qu’elles sont libres et naturelles, dans le rendu, à la fois très précis et très large, de toutes les délicatesses dans les visages virils et surtout féminins. Corneille, son émule, dans ses petits panneaux peints avec un soin extraordinaire, y met souvent plus de vivacité encore. Ses fonds sont plus variés ; il y fait jouer les finesses brunes ou fraîches de ses carnations, les noirs et les blonds de ses chevelures, les clairs ou les sombres de ses vêtements, sur des harmonies dorées, pourprées, azurées, grisâtres, verdâtres, qui révèlent un sens exquis des couleurs. L’analyse de chacun de ses petits chefs-d’œuvre nous entraînerait trop loin. Nous ne pouvons que citer, pour le souvenir, les morceaux prêtés par MM. Féral, Walter Gay, G. de Monbrison, Mme Édouard André, MM. Aynard, Pierpont-Morgant, colonel Stuart Wortley, Doistau, Jean Masson, Lawrie, Hutteau, Paul Arbaud, le Cabinet des estampes, les musées de Versailles, d’Avignon, du Puy, etc., et renvoyer, pour la critique, au catalogue de M. Bouchot et aux articles de M. Dimier dans la Chronique des arts[1]. Si délicieuses, si instructives que soient toutes ces effigies, peintes ou crayonnées, d’une société cultivée, raffinée, et, dans la fin, efféminée et corrompue, il faut bien reconnaître que l’art du portrait, réduit à cette quintessence, n’est plus la représentation complète et puissante des êtres vivants, telle que l’avaient comprise Fouquet et le Maître de Moulins, telle que la réalisaient alors les Florentins et les Vénitiens et déjà aussi les Flamands et les Hollandais. Pour retrouver des expressions aussi franches et complètes de la réalité, il faudra, chez nous, attendre les Le Nain, Philippe de Champagne, Sébastien Bourdon, Claude Lefebvre, précurseurs d’un retour plus général et plus libre aux instincts naturels du génie français, par Largillière et Rigaud, les Coypel, les Nattier, Wattcau, les Vanloo, Chardin, La Tour, les Saint-Aubin et tous les portraitistes avisés et vivants du xviiie siècle.

  1. Nos des 14, 21 et 28 mai. 4 et 18 juin 1904. Édités à part chez Schemit