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reste encore fort incertaine. Les divergences extrêmes de ces deux érudits en ce qui concerne non seulement la chronologie, mais encore l’iconographie des personnages, ne sont pas faites pour nous rassurer. Comme l’a dit M. Bouchot lui-même, « plus on va au fond de ces histoires, plus on se prend à douter[1]. Il rappelle, avec raison, combien de peintres des Pays-Bas travaillèrent pour François Ier : Josse van Cleef, d’Anvers, Jean Schoorel, etc., combien aussi d’autres Français eurent alors renom d’excellents portraitistes : J.-B. Darly, Ambroise, Robinet Testard, Jean Courtois, Jean Fannart, etc. D’autre part, M. Dimier, toujours tourné vers le Midi autant au moins que M. Bouchot est tourné vers le Nord, ne manque pas de rappeler la présence à la Cour des Italiens Bartolommeo Guetty et Francesco Pellegrino, de Florence, Nicolas Belin, de Modène, etc.[2] L’activité des artistes, sous la royauté centralisée du xvie siècle, autant que dans les centres dispersés du xve, reste donc, plus que jamais, internationale, et c’est d’éléments divers que l’esprit français continue à extraire son art particulier. Parmi les plus beaux portraits attribués à Jean Clouet, il y a de telles différences, si diverses et si contradictoires, soit pour la façon d’analyser la physionomie, soit pour celle de la représenter avec des finesses ou des vigueurs de modelés, des chaleurs ou des froideurs de coloris, des transparences ou des empâtements de matière, qu’on ne saurait guère se résoudre à les lui accorder tous : il en faut distraire quelques-uns pour former une utile réserve en faveur d’autres anonymes injustement dépouillés. L’effigie, aristocratique, intelligente, un peu mélancolique, du Vicomte de Turenne (coll. Ch. Porgès), peinte avant 1532, et celle de Claude d’Urfé, tenant un volume de Pétrarque (coll. de S. M.  le roi d’Angleterre), si virile dans sa distinction grave, vers 1540, tous deux identifiés d’après des crayons du Musée Condé, nous donnent, comme il faut croire, la vraie manière personnelle du maître, fort imprégnée d’Holbein, mais restant bien, en même temps, dans la suite de l’école tourangelle. Or, dans ce cas, comment ne pas chercher d’autres origines soit au grand François Ier (musée du Louvre), travail bien plus incertain, avec des incohérences et des diversités de recherches dans le visage, les mains, les vêtements, qui marquent un esprit inquiet, tour à tour imitateur des Flamands et des Italiens, soit au Guillaume Gouffier, sieur de Bonnivet, tué à Pavie en 1525, avec la devise : Fol désir

  1. H. Bouchot, Les Clouet et Corneille de Lyon, p. 17. »
  2. French painting in the sixteenth century, by L. Dimier, London, 1904, p. 60.