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jeunesse, pour qu’il puisse désormais prétendre à cette nouvelle gloire. Comment lui laisser même le fameux Portrait du petit dauphin Charles-Orlant, né le 10 octobre 1492, bien qu’il fût à cette époque peintre de la cour ? N’y a-t-il pas, dans l’accord frais des tonalités claires et blanches, visage et mains, robe et bonnet, dans la précision si juste des traits, dans l’enchâssement net, la couleur grise, le regard fin de l’œil, et, plus encore, dans la naïveté vivante de la physionomie enfantine, toutes ces qualités spéciales qui apparaissent dans la Nativité de 1480 et qui se développeront ensuite dans tous les tableaux postérieurs ? L’aspect, je le vois bien, a quelque chose de plus résolu, de plus âpre, de plus métallique, que ces autres peintures, mais n’est-ce point que ces dernières, ont toutes été, plus ou moins, frottées, lavées, épidermées ? Au contraire, le petit Orlant, emporté par Charles VIII dans la campagne d’Italie (1494), pillé par les Stradiotes dans la tente royale, conservé, jusqu’en ces dernières années, à Venise, dans la famille Oddi, a pu heureusement garder sa vigueur originale.

Si nous écartons Bourdichon, faut-il donc toujours penser â Perréal, comme l’a fait, dès les premiers jours, Paul Mantz, souvent si perspicace ? À notre avis, c’est sur ce grand nom-là qu’il reste bon de parier. Aucun artiste, entre 1480 et 1520, ne tint chez nous, ni même au dehors, plus de place que cet homme universel, architecte, décorateur, peintre du roi, de la Ville de Lyon, sa résidence accoutumée, de la reine Marguerite d’Autriche, ami personnel du cardinal de Bourbon, frère du duc, et de la duchesse Anne qui le charge d’affaires confidentielles, directeur des premiers travaux de l’église de Brou, fournisseur de modèles pour les médailleurs et pour les sculpteurs, pour les plus grands sculpteurs, puisqu’il donne à Michel Colombe les dessins pour le tombeau de François II dans la cathédrale de Nantes. Qu’on se souvienne encore qu’il accompagna deux fois au moins nos armées en Italie ; qu’en 1499, lorsqu’il était â Milan, le marquis de Mantoue, le protecteur du grand Mantogna qui vivait à sa cour, lui fit demander un tableau que Perréal s’excusa de ne pouvoir lui envoyer, à cause de ses multiples travaux ; qu’en 1507 Louis XII, en Italie, pensant toujours à son peintre, écrit â Blois qu’on lui envoie un recueil de miniatures, pourtraicts par Jehan de Paris « … pour monstrer aux dames de par de ça, car il n’y a point de pareils, etc… », on avouera qu’il est bien juste de croire à l’existence de quelque bon morceau marqué de cette griffe. Toutes les circonstances semblent se réunir pour désigner en lui, de fait