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la fille. Dans le second, le saint guerrier, debout près du chanoine princier (Charles d’Anjou ?) comme un compagnon d’armes, devait tenir de bien près à son protégé. Le premier, par les caractères de l’exécution très précise, fine, lisse, argentée, comme ceux du style et et de l’expression, semble à peu près contemporain du triptyque et représente peut-être deux autres princesses de Bourbon. Le second est d’une facture plus savante encore, plus colorée, plus savoureuse, d’une fermeté si souple, d’une maîtrise si résolue, que plus d’un connaisseur hésite à y voir la main du même maître. Il nous parait pourtant qu’on ne peut guère chercher ailleurs, ou bien ce serait donc l’œuvre, unique jusqu’à présent, d’un grand artiste, sorti du même milieu, mais plus expérimenté encore et qui, seul hélas ! ou presque seul, dans les premières années du xvie siècle, aurait su, sans sortir des traditions françaises, s’élever au niveau des plus grands portraitistes contemporains d’Italie et des Flandres.

Quelques autres œuvres, toutes excellentes, sont encore cataloguées dans la même série. Peut-être pour quelques-unes, par exemple pour les deux panneaux du musée du Louvre représentant les mêmes princes Pierre de Bourbon et Anne de France, plus jeunes de dix ans[1], faut-il faire quelques réserves. La découverte de la Nativité d’Autun ne nous permet guère d’admettre en 1488, dans la manière du Maître de Moulins, une telle modification dans le sens réaliste, une facture relativement lourde, qui n’aurait été chez lui que passagère. Il est plus sage de penser à un contemporain de même éducation et de même école. Mêmes, hésitations nécessaires vis-à-vis de l’exquise Vierge en gloire, couronnée par les anges (coll. Quesnet). Ce petit panneau, soigné comme une miniature, chef-d’œuvre de combinaisons linéaires et lumineuses, semble l’œuvre d’un homme moins accoutumé aux grands coups de brosse, et qui résume, un peu plus tard, avec une délicatesse supérieure, la poésie extraite des ouvrages de J. Fouquet et de l’anonyme bourbonnais. En revanche, celui-ci peut bien revendiquer le délicieux Portrait de Suzanne de Bourbon, où la pâle et douce fillette, un peu plus âgée que dans le triptyque, égrène naïvement son chapelet[2].

Anonyme ! anonyme ! Qui déchirera ce voile ? Qui nommera enfin ce grand artiste ? Quant à Bourdichon, il n’y faut plus songer. Sa manière est aujourd’hui trop connue par ses miniatures authentiques, dans le plein de sa vie, et par le triptyque de Loches, dès sa

  1. Reprod. dans la Gazette des Beaux-Arts, 1901, t. II, p. 321 et 325.
  2. Reprod. ans la Gazette des Beaux-Arts, 1901, t. II, p. 328.