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pas manqué de l’attribuer à un maître exotique. Le nom de Benedetto Ghirlandajo, qui travailla à ce moment pour les Bourbons et en a laissé le souvenir dans la Nativité d’Aigueperse, leur vint naturellement sur les lèvres. Malgré la diversité des ouvrages, constatée par Paul Mantz après une comparaison sur place, en deux haltes rapprochées, des deux tableaux, quelques-uns, récemment encore, s’entêtaient en cette supposition. La juxtaposition, au Pavillon de Marsan, d’œuvres antérieures à l’arrivée de Benedetto en France, dans lesquelles il faut bien reconnaître la main, plus jeune, mais déjà très personnelle, de l’artiste de Moulins, vient heureusement clore la discussion en faveur d’une origine française.

Entre la Nativité de l’évêché d’Autun et le Triptyque des Bourbons, les similitudes de technique et de style sont trop frappantes pour qu’on leur cherche une différente paternité. La Nativité ne peut être postérieure à 1483, date de la mort du donateur, Jean Rolin, non plus que le triptyque antérieur à 1498, année où Pierre de Beaujeu succéda à son frère comme duc de Bourbon, ainsi que l’indique sa couronne. Entre les deux se place, probablement, la Vierge aux anges du musée de Bruxelles, qui marque la transition. Les trois œuvres, où l’on peut suivre l’assouplissement d’une manière de plus en plus libre, ferme et sûre, dérivent toutes de Fouquet, et affirment une étroite parenté avec les écoles tourangelles de peinture et de sculpture dont elles paraissent suivre, pas à pas, la dernière évolution.

La Nativité d’Autun est, de tous points, une œuvre exquise, d’une tendresse, d’une ferveur, d’une sincérité toutes juvéniles. Une harmonie blanche et claire, presque transparente, comme celle d’une éclosion de lys dans les lueurs matinales, enveloppe la scène de grâce et de fraîcheur. Le bébé, tout nu, aux chairs fines, est couché, dans la crèche, sur un linge blanc. La jeune mère, délicate et pâle, ouvrant ses mains fines, coiffée de la cornette berrichonne, l’adore à genoux. À côté, de même, saint Joseph, type barbu de moine gentilhomme ou lettré, à la barbe soignée, joint les mains, et, près de la crèche, deux angelots aux chevelures abondantes. Un peu en arrière se tient, dans la même attitude, blafard et décrépit, avec son petit chien assis sur le pan de sa robe rouge, le vieux cardinal Jean Rolin, fils du chancelier Nicolas qu’on voit dans le tableau de van Eyck, passé de la même chapelle au musée du Louvre. Au fond, derrière la clôture basse, en palissade, de la chaumière, sur une percée de campagne, deux bergers, l’un vieux, l’autre jeune, se penchent pour voir, en causant. Marie avec plus de candeur, est la