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prête des rapports de lignes, la couleur interprète des rapports lumière, paraissent plus parfaitement et de plus en plus, à mesure que leur œuvre vieillit et se modifie dans sa matière, à mesure aussi que s’éloignent de la pensée des spectateurs les préoccupations doctrine et de mode.

Le jugement porté sur des œuvres qui ont vingt ou trente ans d’âge est déjà bien plus assuré, et l’on peut donner, de leur avenir un pronostic presque certain. C’est ce qui semble bien clair aux spectateurs, en examinant la très intéressante exposition formée récemment au Luxembourg avec des tableaux prêtés par divers collectionneurs à la Société des « Amis du Luxembourg ». Toutes ces œuvres appartenaient à l’école française moderne, mais elles comptaient toutes entre vingt et quarante ans d’âge, de sorte qu’il y avaient vraiment un intérêt bien particulier à examiner l’effet déjà produit par le temps sur des peintures pourtant très récentes. Les hommes de mon âge ont dû se tenir un instant dans l’attitude d’une sorte de postérité, à laquelle serait donné de contrôler elle-même ses propres jugements. Aussi, avant de poursuivre mes réflexions, je loue hautement l’idée d’une pareille exposition : le Luxembourg a de bons « Amis » qui lui rendent de bons services. Il s’est souvent plaint d’être un petit musée et de disposer d’un espace restreint, et certainement sa plainte est légitime ; mais je continuerai à son sujet mes comparaisons architecturales et je dirai qu’il est semblable à la maison de Socrate, qui était petite, à vrai dire, mais pleine d’amis. La mode est fortemment aux « Amis » ces temps derniers, et c’est une très bonne mode, nous avons les « Amis du Louvre », les « Amis de l’Université » ; ce sont des sociétés très bienfaisantes ; elles rendent de grands service non seulement en assurant des ressources pour la propagande des arts et des sciences, mais en attirant aussi à se grouper dans un mouvement sympathique de nombreux esprits appliqués aux occupation les plus diverses, tous libres, généreux et amis de l’idéal. C’est ce que nous exprimait avec une éloquence persuasive et familière l’autre jour, en inaugurant la Société des « Amis de la Schola cantorum », M. Édouard Aynard : il proposait pour toutes ces associations amicales et intelligentes la bonne vieille devise des sociétés savantes d’autrefois : Arti et amicitiæ.

Etre entourés d’associations semblables, d’amis intelligents et instruits des choses de l’art, ne pas se cantonner dans quelques petites