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plus grande partie de son cabinet provenait de ces voyages, au cours desquels il s’était même rendu acquéreur de deux collections de renom. Ainsi il assurait en même temps sa réputation dans un pays qu’il pouvait considérer comme sa seconde patrie. C’est probablement pendant un de ces voyages qu’il reçut la commande du portrait du stathouder. Il le représenta sur une toile de onze pieds de haut, conservée encore à Amsterdam, en habit de combat, se détachant sur un fond de marine où se déployait toute sa flotte. L’œuvre fut classée dans l’opinion du temps au nombre de ses meilleures productions ; mais pour en obtenir le paiement, nous raconte Mariette, il dut subir mille tracasseries qui n’eurent point de fin et faisaient le sujet continuel de ses plaintes. — L’autre grande toile, le portrait du maréchal de Clermont-Tonnevre, était considérée comme son chef d’œuvre. Malheureusement il ne nous en est même pas resté le souvenir dans une estampe. Le tableau, exécuté en 1759, de mêmes dimensions que le précédent, avait fait partie de son dernier envoi aux Salons. Le maréchal, nous apprend Diderot, s’y tenait debout, à côté de sa tente, en bottines, avec la veste de buffle à petits parements retroussés et le ceinturon de cuir. « Une belle chose, ajoutait-il… Je voudrais que vous vissiez avec quelle vérité de couleur et quelle simplicité cela est fait ! De près la figure paraît un peu longue ; mais c’est un portrait, l’homme est peut-être ainsi. D’ailleurs éloignez-vous, et ce défaut, si c’en est un, n’y sera plus. Il me fâche seulement qu’on soit si bien peigné dans un camp. Il y a là une perruque que van Dyck, je crois, aurait un peu ébouriffée. »

Toutes les opinions du temps sur l’œuvre d’Aved en général confirment le jugement de Diderot. Elles s’accordent à reconnaître au peintre d’abord un talent rare pour saisir la ressemblance[1] ; nous verrons même à quel point ce talent leur paraît remarquable. Puis on vante la « vigueur de son coloris » ; on parle de « ses beautés solides et vraies », de « ses riches empâtements » [2]. Ce qui frappe aussi beaucoup ses contemporains, c’est la « sincérité naïve », la « sim-

  1. La Font Saint-Yenne (Salon de 1746) ; — Baillet de Saint-Julien (Salon de 1749) ; — Père Laugier (Salon de 1753) ; — Grimm.
  2. La Font Saint-Yenne (Salon de 1753) ; — Nécrologe, année 1767 ; — Préface du catalogue de la vente du cabinet d’Aved, 1756 ; — Mariette, Abecedario ; — Baillet de Saint-Julien (Salon de 1748 et de 1749) ; — Caractères des peintres français, Salon de 1755 : « Il n’est point pour ces attitudes fières et recherchées qui le plus souvent sortent de la nature ou du moins empêchent de la reconnaître : une noble et élégante simplicité est plus de son goût… » ; — Baillet de Saint-Julien : « J’admire la sincérité naïve des Aved. »