Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 32 - 1904.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en Turquie ; la peinture à l’huile d’Aved alla orner la salle des Gardes du nouveau château de Choisy ; depuis, elle fut transférée à Versailles, où elle se trouve encore actuellement[1]. C’est un morceau d’une application un peu froide, d’une facture un peu pesante, mais d’une belle solidité de pâte, où le peintre, suivant sa particulière habitude, a prodigué les accessoires, mais en les accusant avec fermeté, sans rien laisser dans leur exécution à l’« à peu près », au conventionnel. À la suite de cet ouvrage, qui lui valut, dit-on, les éloges du public et de ses confrères, le roi lui commanda son propre portrait, qui ne figura à aucune exposition et dont on a perdu la trace.

Son œuvre compte un certain nombre de toiles de ce caractère officiel : de hauts fonctionnaires, beaucoup de gens de robe, M. Polinchove, premier président du Parlement de Flandre séant à Douai (Salon de 1741, gravure de Mellini) ; le président Layé, du Parlement de Dijon (Salon de 1759) ; M. de Calonne, le futur ministre de Louis xvi, à vingt-trois ans (Salon de 1757), compatriote d’Aved, « fils de M. le Procureur général au Parlement de Flandre », énonce le livret, fonction dans laquelle le fils devait un moment succéder au père ; MM. Poisson de la Chabeaussière (Salon de 1745), Rigoley de Juvigny (Salon de 1747), Gillet (Salon de 1757), avocats au Parlement, qui comptaient parmi leurs confrères le fils aîné du peintre, etc. On remarque surtout toute une série de fiers personnages représentés en tenue guerrière, la plupart en corset d’armes ; notons ce même marquis de Mirabeau, père du tribun, qui s’était déjà fait peindre par Aved en 1743, dans sa bibliothèque, en un élégant négligé d’intérieur, jeune théoricien économiste, futur « Ami des hommes », appuyé sur son ouvrage des Commentaires de Polybe, — cette fois-ci (Salon de 1757) armé, cuirassé, décoré de l’ordre de Saint-Louis rappelant les campagnes militaires de ses jeunes années, présenté sous ce jour d’infatuation nobiliaire qui atteignait, dit-on, chez lui à la monomanie.

Deux grandes toiles, de ce genre d’apparat, firent époque dans la carrière du peintre : les images du stathouder Guillaume IV d’Orange et du maréchal de Clermont-Tonnerre. — Il n’avait pas cessé d’être en rapport avec Amsterdam, où s’était écoulée sa jeunesse en même temps que formé son talent. Il s’y rendait fréquemment pour visiter sa mère, qui s’y était remariée ; il se tenait aussi au courant des ventes artistiques qui avaient lieu dans les diverses villes de Hollande ; la

  1. Attique du Nord