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contrebalançait même sa réputation de portraitiste, au point d’inspirer à Grimm ce résumé certainement injuste de sa carrière : « Aved aimait plus le métier de brocanteur que celui de peintre ; il connaissait bien les vieux tableaux et savait en faire un trafic d’une façon très avantageuse pour lui. »

Dans ses années de début, il n’avait pas tardé à se lier avec d’autres jeunes peintres de sa génération, avec Chardin, puis avec Carle Vanloo, Boucher, Dumont le Romain, ce dernier qu’il avait connu dans l’atelier de Belle. Tous le précédèrent ou le suivirent de près à l’Académie. Il y fut agréé le 26 mai 1731 et titularisé le 27 novembre 1734, sur la présentation des portraits de Jean-François de Troy (actuellement au musée du Louvre) et de Pierre-Jacques Cazas (à l’École des Beaux-Arts). Au bout de dix ans, il prenait au rang de conseiller la place du vieux portraitiste Pierre Gobert, décédé. On le voit exposer à presque tous les Salons à partir de 1737 ; puis, subitement, après celui de 1759, il cesse tout envoi, sans qu’on en sache la raison. Il vécut cependant sept années encore, et fut emporté par une attaque de paralysie, le 4 mars 1766. Il était âgé de soixante-quatre ans.

La toile qui le mit définitivement en faveur fut le portrait officiel qu’il exécuta en 1742 de l’envoyé ottoman Saïd Pacha Beglier bey. C’était la seconde fois que ce personnage se trouvait à Paris : il y était déjà venu avec son père Méhémet-Effendi, au printemps de 1721, lors de cette pompeuse ambassade dont l’arrivée devant la terrasse des Tuileries avait été si brillamment reproduite dans le tableau de Charles Parrocel, avec tout son pittoresque de costumes et de harnachements. Le cérémonial de l’entrée s’était donné cette fois-ci à la porte Saint Antoine, et la badauderie parisienne, au dire de l’avocat Barbier, ne s’était pas montrée moins indiscrète qu’en l’année 1721. À l’hôtel des Ambassadeurs, rue de Tournon, ce fut une succession ininterrompue de visiteurs avides d’examiner de près ce pacha que que l’on disait à trois queues, et, à ce titre, menant un train de maison bien supérieur à celui d’un pacha ordinaire. Aved fut appelé à peindre son portrait concurremment avec Quentin La Tour[1]. Des deux tableaux, ce fut probablement celui du pastelliste qui fut emporté

  1. Mercure de France, juin 1742.