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qui fut dressé de la collection du peintre après sa mort. Cet accent de sincérité réaliste qui frappe dans la gravure de Baléchou, cette parure de perles scintillantes dans l’ombre…, l’exemple de Rembrandt pourrait bien y avoir été pour quelque chose[1].

Une de ses plus agréables productions est le portrait qu’il lit de sa belle-sœur, Mlle de Loiserolle, en la représentant assise, à demi décolletée, coiffée d’un chapeau plat à larges bords, à longues brides dénouées, et occupée à faire tourner un petit rouet sur ses genoux. Le souvenir nous en a été conservé dans une planche, également de Baléchou, d’une particulière énergie de burin.

Ce portrait, attestant, comme le dit le quatrain inscrit au bas de la gravure : « Loisirs mis à profit, mœurs douces, cœur sincère… » évoque bien l’entourage de paisible intimité où s’écoulait l’existence d’Aved. Sa femme lui avait donné quatre enfants, tous garçons, dont Jal a retrouvé, dans les archives de Saint-Sulpice, les actes de baptême, mais dont deux ne semblent pas avoir vécu, car les biographes ne font mention que de deux fils : l’un qui fut avocat au Parlement, se fit un nom et eut d’importantes affaires à plaider[2], l’autre qui acheta la charge de maître des Eaux et Forets de Chaumont en Bassigny. L’intérêt d’un de ces baptistaires est de nous révéler les hautes relations qu’Aved s’attira dès les premières années de son installation à Paris. Au baptême de son premier enfant figurait en effet en qualité de parrain « très haut et très puissant seigneur, Charles François de Vintimille, des comtes de Marseille, comte de Luc etc. » ; la marraine avait nom « très haute et très puissante dame Claire-Marie, née princesse de Ligne, épouse de Louis-Joseph de La Garde, marquis de Chambonas… etc. ». Le comte de Luc, alors très vieux, était le père d’un certain jeune courtisan qui se dévoua à couvrir une des paternités de Louis XV en acceptant d’épouser la seconde de ces belles demoiselles de Nesle qui, l’une après l’autre, se virent élevées au rang de maîtresses du roi. Au Salon de 1753, Aved exposait un portrait en tenue guerrière de ce brillant héros, à qui son dévouement n’avait pas tardé à valoir le grade de maréchal de camp.

Aved, qui habitait rue de Bourbon, en face du couvent des Théatins, vivait au milieu des siens « aimé et respecté, disent ses biographes,… homme de belle et heureuse physionomie,… d’esprit orné, agréable dans la conversation,… de caractère noble ; généreux,

  1. Au Salon de 1763 figurait un buste de Mme Aved, par Pajou.
  2. Une, entre autres, contre le maréchal duc de Richelieu, qui fit un certain bruit. (Mémoires secrets de Bachaumont, 6 juillet 1778, t. XII.