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L’élève fit tout de suite preuve de telles dispositions, que le maître l’encouragea vivement à poursuivre ses goûts. Au bout de quelques années, le jeune apprenti savait déjà son métier. Il se mit alors à visiter avidement les collections des Flandres et des Pays-Bas, préludant ainsi, dès avant son départ pour Paris, où, poussé sans doute par Bernard Picart, il lui pressait d’aller perfectionner son éducation, à cette science sûre de la facture des grands maîtres qui fit de lui un des amateurs les plus éclairés de son temps.

Aved était donc tout pénétré de l’art substantiel des artistes du Nord quand il s’installa à Paris, en l’année 1724. En France d’ailleurs, et principalement dans le portrait, on délaissait depuis peu les interprétations idéalistes des Italiens pour revenir à la facture plus réaliste des Flamands. Largillière, dont le talent s’était formé à Anvers même, étonnait par l’éclat de ses étoffes et la belle franchise de ses carnations ; les Coypel, malgré le séjour prolongé des uns et des autres en Italie, brossaient des morceaux d’une virulence toute flamande. Voulant se spécialiser dans le portrait, il restait donc surtout au jeune peintre à se familiariser avec le ton d’élégance du temps. Il entra, dans cette intention, chez un des portraitistes les plus achalandés, Alexis-Simon Belle, peintre attitré à la fois des trois cours de France, d’Angleterre et de Pologne.

Du coup, voici le nouvel arrivé introduit dans toute une jeune société d’artistes d’avenir : au mariage en secondes noces de son récent maître, le 8 janvier 1722, avec Marie-Nicole Horthemels, son nom, mentionné sur l’acte d’état civil parmi les noms des personnes présentes, figure à côté de ceux du graveur Nicolas Tardieu, de l’orfèvre Germain et du dessinateur C.-N. Cochin[1]. Lui-même, à quelque temps de là, imite l’exemple de son professeur ; il épouse une personne d’une trentaine d’années, de forte corpulence, Anne-Charlotte Gauthier de Loiserolle, fille d’un officier au régiment de Rouergue. Une gravure ovale de Benoît, d’après un portrait du peintre par lui-même, nous le fait voir à cette époque jeune homme élégant, à fin visage, faisant parade d’une abondante et soyeuse chevelure qui lui tombe en un nœud coquet sur l’épaule. Nous connaissons aussi une image de sa femme par le graveur Baléchou, son ami ; c’est la copie du portrait qu’il envoya au Salon de 1740 ; elle met en présence d’une femme d’un âge déjà mûr, aux

  1. Notice sur les Tardieu, les Cochin et les Belle, graveurs et peintres, par Alexandre Tardieu, publiée dans les Archives de l’art français (1855-1856), tome IV, p. 62.