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Il y a quelques années un passage d’une relation sur le Salon de 1741, Lettre à M. de Poiresson-Chamarande, lieutenant général au bailliage et siège présidial de Chaumont en Bassigny, révéla à M. Maurice Tourneux[1] une œuvre caractéristique de ce peintre dans un portrait de femme non signé, qui, sous la dénomination fantaisiste de « Mme Geoffrin, par Chardin », est admiré de tous les visiteurs du musée de Montpellier. Le passage donnait, d’une peinture d’Aved figurant Mme Crozat, l’épouse du richissime banquier et collectionneur, à son métier à tapisser, un signalement détaillé qui se trouvait correspondre à la lettre à la prétendue image de Mme Geoffrin. La fausseté de cette identification sautait, d’ailleurs, depuis longtemps aux yeux de tous ; de même que l’attribution à Chardin paraissait aux connaisseurs des plus incertaines. On avait même émis le nom de Louis Tocqué ou de Louis-Michel Vanloo comme celui de l’auteur probable. Peut-être, comme nous le verrons, la primitive attribution renfermait-elle du moins une petite part de vérité. La méprise, en tout cas, était flatteuse pour le talent d’Aved, et faisait désirer de mieux connaître cet artiste.

André-Joseph Camellot Aved[2] naquit à Douai, le 12 janvier 1702. Il était encore tout enfant lorsqu’il perdit son père, établi médecin dans cette ville. Un de ses parents se chargea de son éducation : son oncle ou son beau-frère, qui l’emmena avec sa mère à Amsterdam, où il occupait le grade de capitaine aux gardes hollandaises[3]. Il avait pensé d’abord faire du jeune garçon un soldat comme lui. Mais des estampes de Bernard Picart, artiste parisien installé dans la même

  1. Gazette des Beaux-Arts, 1896, t. I, p. 471
  2. Références bibliographiques : Archives du Nord de la France, Valenciennes, 1851, 3e série, tome II : notice par M. Dineux ; — Catalogue raisonné des tableaux d’Italie, des Flandres, etc., du cabinet de M. Aved, par Remy. Paris, 1756 (ce catalogue est précédé d’une préface qui, selon Mariette, aurait été rédigée par le fils du peintre, avocat au Parlement) ; — Nécrologe, année 1707 : article de M. Castillon ; — Galerie Douaisienne : article par Duthilleul ; — Dussieux : Artistes français à l’étranger, édition de 1855 ; — Mariette, Abecedario ; — Bellier de la Chavignerie, Dictionnaire des artistes français ; — Dictionnaire de Jal.
  3. Les biographes laissent à entendre que l’enfant ne tarda pas à perdre aussi sa mère ; mais l’acte de mariage d’Aved établit nettement qu’elle s’en alla prendre un second époux à Amsterdam ; le peintre y est en effet déclaré « fils de… et de Marie-Agnès Havet, à présent femme de Noël-Isaac Bisson, demeurant à Amsterdam ».