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8 GAZETTE DES BEAUX-ARTS de la Vierge de Villeneuve. Pour d’autres figures, sans qu'il y ait d’identité aussi complète, il y a tout au moins un grand air de res¬ semblance. Ainsi une jeune sainte aux cheveux Bottants, placée à droite dans le Triomphe de la Vierge, offre le même caractère de physionomie que la reine de Chantilly. Le visage de la Sainte Vierge elle-même, bien qu’il soit d’un galbe plus allongé et d’une expression plus touchante dans la pein¬ ture de Chantilly, reflète dans les deux tableaux l’aspiration vers un même idéal. Ce sont aussi les mêmes cheveux blonds, lissés en ban¬ deaux serrés sur les deux côtés du front, la même légère inclinaison de la tête vers une des épaules. J’ai mentionné particulièrement ces traits de ressemblance, parce qu’ils demeurent sensibles même sur de simples reproductions. D’autres rapprochements pourraient être faits encore, notamment au point de vue de la qualité de l’exécution et des procédés de facture. En outre, nous avons les armoiries des deux donateurs, dont l’ori¬ ginal permet de voir les couleurs ; et ces armoiries sont bien celles des Cadard, qu’il fallait retrouver pour être d’accord avec la pièce d’archives. Nul doute ne subsiste plus. Le Musée Condé possède désormais un Primitif français, de première importance comme document au¬ thentiqué et daté. La vérité, d’ailleurs, avait été déjà plus ou moins pressentie. Dans la collection de M. Reiset, le tableau était catalogué comme une œuvre flamande de la fin du xv° siècle. Ces indications furent main¬ tenues provisoirement lorsque le tableau eut été acquis en 1879 par M. le duc d’Aumale, et placé par lui à Chantilly. Mais, en '1890, un des éminents conservateurs du Musée Condé, M. Gruyer, s’occupant de ce tableau, faisait des réserves. Il signalait « des influences bour¬ guignonnes » et ajoutait : « L’Italie,l’Italie du Nord surtout, a laissé dans notre mémoire quelque chose de semblable. » Tirez une ligne entre les deux pays, de la Bourgogne vers l’Italie, vous trouverez précisémentcette région d’Avignon où l’œuvre a été élaborée. Quant à la date, M. Gruyer remarquait que le bonnet de la donatrice « nous reporte jusque vers le milieu du xv° siècle1 ». On ne saurait mieux dire d’une œuvre que nous savons maintenant être de 1452. M. Camille Benoit, dont la Gazelle des Beaux-Arts a publié une série de si remarquables études sur la peinture française, a eu le mé- 1 F.-Â. Gruyer, La Peinture au château de Chantilly. — Ecoles étrangères (Paris, Pion, i89G, in-4*), p. 218-219.