« Étoiles, d’où vient donc qu’au sein de l’éther bleu
« Vous dansez en chantant malgré les meurtrissures
« Dont vous portez la trace, et que de vos blessures
« Au lieu de sang vermeil sort un rayon de feu ? »
— Alors, me répondant, une dit : « Ô poète,
« Chacune d’entre nous est l’âme d’un mortel
« Que l’Amour a blessée, et dont le sort est tel,
« Qu’au sein de l’empyrée une éternelle fête
« La récompense enfin de tous les maux soufferts.
« Ici, du firmament redevenant lumière,
« Elle peut posséder sous sa forme première
« Les bonheurs dans l’exil si vainement offerts ;
« Car si grand est l’oubli, l’ivresse si profonde,
« Qu’après avoir goûté nos pures voluptés,
« On trouverait douleurs les plaisirs inventés
« Par les pâles humains dans leur funèbre monde… » —
Elle dit. — Et depuis, chaque fois que l’amour
Agrandit la blessure ouverte dans mon âme,
Je soupire après l’heure où, bien loin de la femme,
Je pourrai devenir une étoile à mon tour !
Dont les noms à jamais nous seront inconnus
Et que vos amants seuls ont pu voir les seins nus,
Salut et gloire à vous, toutes les Innommées !
Sur les ailes en feu des brises parfumées
Les bruits de vos baisers jusqu’à nous sont venus ;
Malgré les voiles d’ombre à vos fronts retenus,
Nous savons les amours en vos cœurs enfermées…
Et quand je vois au fond des lointains paradis
Vos ombres resplendir, je m’incline et vous dis :
Salut et gloire à vous ! car vous êtes le thème
Tantôt mystérieux et tantôt solennel
Que perpétue en nous le cantique suprême
De l’amour toujours jeune et toujours éternel !