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« Je vous remercie pour Prosper de ce que vous venez de me dire, cela lui ferait grand plaisir.

— Oh ! Prosper me connaît depuis longtemps ; nous avons été enfants ensemble, et il n’est pas comme vous, il ne me croit pas un dandy, un lion.

— Qu’est-ce que c’est que ça, un lion ? dit Lise en riant.

— Oh ! reprit Sterny, ce sont des jeunes gens du monde qui se croient de l’esprit parce qu’ils se moquent de tout, qui font semblant de mépriser tout ce qui n’est pas de leur coterie, et qui n’ont pas d’autre occupation que de ne rien faire. »

Le lion reniait sa religion et ses frères.

« Ah ! dit Lise, je sais ce que vous voulez dire ; mais je vous prie de croire que je n’avais pas si mauvaise opinion de vous, monsieur le marquis.

— Pas tout à fait si mauvaise, mais peu favorable cependant.

— Je ne puis pas dire… je ne sais pas… dit Lise en hésitant.

— Ah ! vous me devez une réponse. Quelle opinion avez-vous de moi ? »

Lise hésita encore et finit par dire, en regardant le lion en face, avec une expression de malice enfantine :

« Eh bien ! je vous le dirai, si vous me dites, vous, pourquoi vous avez pris la place de M. Tirlot. »

Léonce fut embarrassé, la réponse pouvait être décisive, il eut le bonheur de trouver une bêtise, et répondit :

« Je n’en sais rien. »

Lise partit d’un grand éclat de rire qui fit tourner la tête à toute l’assemblée.

« Q’as-tu donc, Lise ? — Qu’avez-vous donc, mademoiselle ? »

Cette question arriva de tous les points de l’assemblée.

« C’est, dit Lise toujours en riant, parce que M. le marquis…

— Oh !… dit Léonce tout bas et tremblant que Lise ne racontât son espièglerie, oh ! ne me trahissez pas !

— Qu’est-ce donc ? reprit-on encore.

— Oh ! ce n’est rien, répliqua-t-elle en se calmant… une idée.

— Voyons, Lise ! lui dit sa mère avec un froncement de sourcil portant avec lui tout un sermon.

— Eh ! laisse-la rire, dit M. Laloine, c’est de son âge. Le sérieux lui viendra assez tôt. »