Lise ne répondit pas.
« C’est un de vos parents ? dit Léonce.
— Non, monsieur.
— C’est un de vos amis ?
— Non, monsieur.
— C’est donc celui de Prosper !
— Oui, monsieur.
— Tant mieux, dit Léonce, il y aura compensation, et on pardonnera à Prosper son ami Sterny en faveur de son ami Tirlot.
— Oh ! fit Lise, vous n’êtes pas l’ami de Prosper.
— Moi, et pourquoi donc ? Je l’aime beaucoup.
— Oh ! ça ne fait rien.
— Je suis tout prêt à lui rendre service.
— Je n’en doute pas, mais ce n’est pas cela que je veux dire.
— Et je crois qu’il a aussi pour moi beaucoup d’affection.
— J’en suis sûre, dit Lise, mais cependant vous savez bien que vous n’êtes pas amis.
— Mais enfin pourquoi ?
— C’est que, dit Lise, vous êtes M. le marquis de Sterny, et lui Prosper Gobillou, plumassier.
— C’est bien mal, mademoiselle Lise, ce que vous dites là, fit Léonce d’un air libéral.
— En quoi donc ?
— N’est-ce pas dire que ce titre que je porte me rend fier, orgueilleux, impertinent, peut-être ?
— Ah ! monsieur.
— C’est croire que je ne sais pas rendre justice à l’honneur, à la probité de ceux qui n’ont pas un titre pareil ; c’est presque me faire regretter d’être né dans ce qu’on appelle un rang élevé, comme si nous ne vivions pas à une époque où chacun ne vaut que par son mérite et ses œuvres. »
Ah ! lion, maître lion, qu’avez-vous fait de votre noble crinière de gentilhomme ? Comment ! vous voilà débitant sentimentalement des phrases du Constitutionnel, ou de mélodrame, et cela d’un ton sérieux ? Où sont donc vos amis, pour rire de vous comme vous en ririez vous-même si vous pouviez vous voir ?
Mais voilà que vous prenez la chose au sérieux, car Lise vous répond d’un ton affectueux :