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brusquement son bras nu du bras de Léonce, et, ne sachant plus ce qu’elle faisait ni ce qu’elle disait, elle balbutia à demi-voix :

« Oh ! pardon, monsieur, j’ai oublié de mettre mon gant.

— Comme moi, j’ai oublié de l’ôter, repartit Sterny. Vous voyez que tout le monde peut se tromper. »

Lise ne trouva rien à répondre ; le marchepied d’une voiture était baissé devant elle, elle y monta rapidement, si rapidement, que Léonce put voir le pied le plus étroit, le plus cambré, s’attachant gracieusement à la cheville la plus mignonne. Sterny eut envie de se placer près d’elle, mais il eut le bon esprit de ne pas le faire. Sans s’en apercevoir, Lise était montée dans la voiture de Léonce ; il se retira en disant vivement au valet de pied :

« Fermez et suivez les autres voitures, » et il s’élança tout aussitôt dans un remise où se trouvait Mme  Laloine.

« Eh bien ! s’écria la mère, et Lise, qu’en avez-vous fait ?

— Je l’ai mise en voiture.

— Avec qui ? demanda la prudente mère.

— Hélas ! toute seule, madame.

— Comment toute seule ?…

— Oui, madame, elle a monté sans s’en apercevoir, je crois, dans ma voiture.

— Ah ! fit Mme  Laloine ; je ne sais pas ce qu’elle a ; elle est tout ahurie depuis ce matin.

— C’est mon coupé, ajouta modestement Léonce ; il n’y a que deux places et je n’ai pas osé… »

Mme  Laloine remercia Léonce de sa retenue par un salut silencieux et solennel, et ajouta :

« Elle va bien s’ennuyer toute seule. »

Léonce eut une idée secrète qu’elle ne s’ennuierait pas.

IV

En effet, Lise fut d’abord étonnée de se trouver seule, mais elle en profita pour se remettre de l’embarras où l’avaient jetée les paroles de Léonce ; et, répondant aux réflexions qu’elle faisait comme aux observations qu’on lui adressait, elle secoua sa jolie tête en se disant :

« Eh bah ! qu’est-ce que ça me fait ? »