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le suppose, vous avez conservé vos goûts et vos habitudes d’autrefois.

— Comment donc, madame, reprit M. Palémon étonné, j’ai donc eu jadis l’honneur d’être connu de vous ?

— Certainement, et j’ai été charmée de trouver votre nom sur la liste des étrangers nouvellement arrivés à Paris.

— Ah !… j’ignorais que l’on publiât cette liste…

— On ne la publie pas ; ce sont des renseignements particuliers.

— Et vous avez eu la bonté de vous souvenir de moi ?

— Oui, vraiment. Vous avez un de ces noms que l’on n’oublie pas et qui vous frappent nécessairement lorsqu’on les retrouve.

— Très-flatté, madame la baronne, reprit M. Palémon, qui se crut obligé de saluer ce compliment ; — mais, ajouta-t-il, je dois vous avouer que ma mémoire est moins heureuse, et j’en suis confus autant que surpris, car, sans parler des agréments de votre personne, vous avez aussi un de ces noms qui commandent le souvenir.

— C’est que peut-être je n’ai pas toujours porté ce nom, dit la baronne en souriant ; ne vous rappelez-vous pas Olympe Dujardin ?

— Ah ! s’écria M. Palémon, voilà une heureuse journée ! Votre nom est écrit sur mes tablettes, madame, et vous êtes une des personnes que je désirais le plus revoir à Paris. Je suis charmé de vous retrouver dans une position brillante et aristocratique… Un mariage, sans doute ? Vous méritiez bien cela ! Mais comment ne vous ai-je pas reconnue tout de suite ? vous n’êtes pas changée du tout.

— Vous trouvez, reprit la baronne en minaudant… Oui, on prétend que je suis encore passable. Toutes les femmes n’ont pas ce privilège ; et tenez, vous souvenez-vous de la petite Antonia, qui avait jadis quelque réputation dans le monde, et qui s’entendait si bien à ruiner les Anglais ?

— Antonia !… mais elle est aussi sur mes tablettes !

— La voilà. Cette énorme dame en chapeau bleu, assise près de la cheminée. On l’appelle maintenant Mme d’Outremer. La jeune personne qui est à côté d’elle est sa nièce ; une débutante. Je vais vous présenter. »

Mme d’Outremer fit à M. Palémon un accueil empressé. — J’aime les anciens, lui dit-elle, ma nièce aussi ; elle est gentille et bien élevée ; elle se plaît beaucoup dans la société des hommes mûrs. Nous serons enchantées de vous recevoir. Je demeure rue de Bréda ; un bon quartier : j’en connais le personnel, et, si vous désiriez quelques renseignements, s’il vous faut une personne sûre, active et discrète pour quelque négociation délicate, je suis tout à votre service.