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Il n’y avait plus à espérer… mais au moment où M. Laloine prenait son chapeau, Lise s’écria :

« Bon ! j’ai perdu l’épingle qui attachait mon châle. »

Sterny courut a sa chambre, arracha une pelote pendue à la cheminée, et revint ; mais déjà le châle était épinglé.

« Pardon, dit M me Laloine, je viens d’en donner une à cette petite étourdie. »

Sterny jeta la pelote sur la table avec chagrin. Mais Lise s’en approcha doucement, et, sans regarder, elle chercha la pelote de la main, y prit une épingle et l’attacha à son châle. Sterny la vit ; il se serait mis à genoux devant elle, s’il avait osé. Il était si heureux qu’il n’eut plus peur, et dit alors :

« Mais au fait, j’y pense, si au lieu d’aller à Saint-Germain dans ma voiture, j’y allais en chemin de fer, je rattraperais le temps perdu.

— C’est vrai, dit M. Laloine.

— Eh bien ! je vous demande la permission de vous conduire jusqu’au chemin de fer ; Prosper nous suivra, et nous partirons tous ensemble. »

La proposition fut acceptée, et M. et Mme  Laloine montèrent avec Lise et Sterny dans la calèche qui attendait, tandis que le remise de Prosper suivait à grand’peine le fringant équipage du lion. Jamais Sterny n’avait été si heureux de sa vie.

XV

L’arrivée au chemin de fer fut moins gracieuse que Sterny ne se l’imaginait. Quand les amis, et surtout les amies de la famille Laloine, virent entrer dans la grande salle d’attente le beau Léonce avec les marchands, on chuchota et l’on se dit tout bas :

« Ah ! ça, est-ce qu’on nous amène ce grand monsieur ? — Les Laloine sont fous. — Il n’est pas invité, nous ne le connaissons pas. »

Sterny devina au premier coup d’œil la réprobation qui le frappait, et Lise s’en aperçut aussi. Elle en devint triste, car ce fut pour elle un avertissement de la distance qui la séparait du beau Léonce. À ce moment elle lui eût presque demandé pardon de lui avoir attiré cet accueil désobligeant. Mais Sterny n’était pas homme ni à s’en laisser intimider, ni à s’en fâcher. Il salua le monsieur à la question des sucres d’un air charmé