Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 3.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

D’un gros bouquet de violettes, sentant la violette ;

De douze camélias dans des jardinières de Chine ;

De deux rosiers tout en fleurs dans un vase de craquelé ;

D’une coupe de vieux sèvres remplie de bonbons ;

D’une argenterie très-bien tenue ;

D’un thé chaque soir bien servi ;

D’un café musulman, pur moka ;

D’un vin de Xérès véritable ;

De beaux chevaux parfaitement attelés ;

D’un excellent maître d’hôtel ;

D’un valet de chambre respectueusement empressé ;

D’un ami célèbre ;

D’un bel enfant bien élevé ;

D’un mari de bonne compagnie.

Il y a des femmes bien plus riches que celles-là qui ne savent tirer de leur position brillante aucun de ces avantages.

Elles ont un bonnet de dentelles superbes, mais d’une forme carrée, une coiffure d’aïeule ;

Elles ont aussi une belle robe de soie, mais d’une couleur fausse et chargée d’ornements lourds et prétentieux ;

Elles ont des souliers mal faits qui ont l’air bête ;

Elles ont des bracelets tapageurs comme des grelots de carlin ;

Elles ont des bagues de charlatan ;

Elles ont de grands mouchoirs affreusement empesés qui semblent se révolter ; leur mouchoir est armé de cornes menaçantes ;

Elles ont des bouquets de violettes qui sentent le marécage ;

Elles ont dans leur jardinière des fleurs artificielles que leur valet de chambre cultive avec un plumeau ;

Elles ont dans une coupe d’agate des bonbons à liqueurs ;

Elles ont une argenterie magnifiquement ciselée qui vous dit le menu de la veille ;

Elles ont un mobilier incommode et malveillant, de grands fauteuils en bois sculpté comme des stalles d’église, dont le dossier perpendiculaire est orné de rosaces en cuivre doré ; ils vous cognent la tête et vous repoussent quand vous voulez vous appuyer, ils vous tirent les cheveux et vous retiennent quand vous voulez vous lever ;

Elles ont un thé de comédie qu’elles ne servent pas ;

Du café de voyage ;