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Les Parisiennes retour de province. — Les femmes de Paris qui reviennent des champs, qu’elles sont étranges ! Comment les définir ? Ce ne sont plus des élégantes et ce ne sont pas encore de bonnes ménagères. Quelle conversation ! les voila maintenant cent fois plus provinciales que les provinciales les plus consommées. Elles ont toutes les petites idées des petites localités, et elles n’ont pas ce qui en fait l’excuse, l’intérêt. Qu’une femme de province s’inquiète des moindres actions de sa sous-préfète ou de son sous-préfet, c’est tout simple ; ces moindres actions peuvent avoir sur sa destinée une très-grande influence ; mais qu’on s’en aille attentivement étudier le sous-préfet d’un autre, qu’on aille soupçonner, espionner, décrier le président du tribunal d’un autre, le substitut du procureur du roi d’un autre, le percepteur des contributions d’un autre ; qu’on épouse les haines, les jalousies, les passions de la localité d’un autre… cela n’est pas dans la nature et cela est impardonnable comme toutes les choses que l’on fait sans motif raisonné et sans droit.

C’est là pourtant ce qu’ont fait nos Parisiennes ; il faut les entendre parler des plaisirs de leur été, si l’on veut savoir jusqu’où peut aller la facilité merveilleuse d’une brillante Parisienne à adopter les défauts, les ridicules, les manies de toutes les provinces qu’elle parcourt. Nous n’avons encore eu l’honneur de rencontrer que deux nouvelles arrivées, et nous connaissons déjà toutes sortes de particularités intéressantes sur deux petites villes que nous ne connaissons pas du tout. Nous savons que la sous-préfète X… cache son âge ; elle a trente-huit ans, elle s’en donne trente-deux. Elle est comme cette femme qui disait : « Trente-deux ans, c’est un âge charmant ; je les ai déjà depuis deux ans, et je compte bien les avoir encore longtemps. » Bref, la sous-préfète cache son âge, elle cache son jeu aussi, car elle affecte de servir le candidat futur du gouvernement, et elle intrigue contre lui tant qu’elle peut. — Nous savons que les enfants du receveur particulier sont très-turbulents ; c’est la faute de leur mère, qui est pour eux d’une faiblesse misérable. — Nous savons de plus que madame Simonet, que nous n’avons jamais vue, élève horriblement mal sa fille ; que mademoiselle Euphrasie est très-insolente ; qu’on lui laisse lire les journaux et qu’elle ne met pas un mot d’orthographe. — Nous savons aussi que madame Coutellier veut l’impossible ; elle fait teindre ses vieilles robes à Paris, soit !… mais elle envoie à son correspondant une jupe de satin rose, une jupe de taffetas gris et une jupe de barége bleu,