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roglyphe, le verbe de ses phrases énigmatiques. Les histoires de tous les peuples ont commencé par les canards.

Le canard est la base des religions.

Les anciens nous en ont légué de sublimes ; nous en transmettrons encore de fort beaux à nos neveux. Hérodote et Pline sont inimitables sur ce point : — l’un a inventé des hommes sans tête, l’autre a vu des hommes à queue. Selon Fourier, l’homme parfait aura une trompe.

Laissons de côté la Mythologie ; nous devons à l’Écriture l’ixion et le griffon.

Voltaire n’a jamais pu réussir à se représenter l’ixion, — dont la chair était défendue aux Hébreux. Mais les géologues modernes ont donné raison à la Bible… L’anoplotérium, le mammouth, le dinothérium, toute la race des sauriens qui, selon Cuvier, peuplaient, avant le déluge, la vallée même de Paris, valent bien, certes, les aimables créatures contestées à Dieu par Voltaire.

Ceci est le canard fossile, protégé par la science, et qui a encore un bel avenir. — Les vieux savants avaient été moins loin en nous léguant le célèbre Homo diluvii testis, et les os gigantesques du roi Teutobocus. Mais qui égalera jamais l’histoire du poisson-évêque, pêché dans la Baltique, qui fut présenté au pape et lui parla en latin ?

Les navigateurs antérieurs au xvie siècle en ont rapporté bien d’autres, sans compter l’eldorado, le poisson kraken, qu’on prenait pour une île flottante, le vaisseau-fantôme, le dragon de Rhodes et le serpent de mer, tel qu’il a été vu par M. Jacques Arago.

Que ce dernier, le roi des canards, nous serve de transition pour arriver aux temps modernes.

Il fut encore une époque où les journaux n’étaient pas inventés, quoiqu’on eût trouvé déjà la poudre et l’imprimerie. Alors le canard tenait lieu de journaux. La politique avait peu d’intérêt pour les habitants des villages et des campagnes ; l’Hydre de l’anarchie, le Vaisseau de l’État, l’Ouragan populaire, n’étaient pas encore capables d’émouvoir