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PARISIENS ET PARISIENNES
par auguste villemot

Le chasseur parisien. — Dans l’organisation de la vie parisienne, chaque mois de l’année correspond à un loisir et à un luxe. Septembre a pour synonyme pêche et chasse ; c’est l’heure où la province reçoit le Parisien ; la vie de château s’organise, et, en France, le château commence au château proprement dit, mystérieusement enclavé dans deux lieues de parc, et finit à une bicoque à volets verts où les hôtes vivent dans une promiscuité touchante avec les poules et les dindons. — Dieu me garde néanmoins de médire des bicoques ! c’est là qu’habite le véritable sans-façon de la campagne avec toutes les tolérances de costumes et toutes les licences de la vie d’artiste. — L’étiquette suit le Parisien dans les châteaux ; elle lui commande trois toilettes par jour et des déférences infinies envers les voisins de campagne et les autorités de l’endroit.

On ne jouit réellement de l’aimable liberté de la nature que dans ces humbles retraites ouvertes à quelques amis intimes auxquels on ne demande qu’un bon appétit, de la belle humeur et un costume complet de la Belle Jardinière.

M. Dumanoir, dans un de ses vaudevilles, qui touchent parfois à la comédie, avait spirituellement crayonné la Vie de château, il y a une quinzaine d’années, pour le théâtre des Variétés. Au lever du rideau, le théâtre représentait douze individus de tout âge et de tout sexe ronflant sur les divans et sur le parquet du salon commun. C’était la meilleure scène de la pièce et la plus vraie.

C’est qu’en effet le Parisien n’a pas été créé et mis au monde pour se lever avec l’aurore, — courir le sanglier, — s’embarrasser dans les hautes herbes, — traîner le filet dans les rivières, — s’asseoir à des banquets homériques, — et dormir d’un sommeil agité par le coassement des grenouilles. — Ces exercices sont bien violents, et ces plaisirs bien suspects pour des avocats et des notaires pliés à la vie sédentaire du cabinet. — Dès le second jour de cette vie enchanteresse, le Parisien épuisé s’endort sur le perdreau. D’ailleurs, il est malhabile à toutes ces