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quatre sergents de la Rochelle, surmontés d’une étoile rayonnante. Des roulettes, des tenailles ébréchées, des vases sans anse et des anses sans vase, et des milliers de choses sans forme, sans nom. — Cela a l’air d’un rêve. N’est-ce point là la boutique d’un pauvre juif du Ghetto ? Sommes-nous dans le Transtévère, ou dans une de ces ruelles tortueuses qui descendent au Bosphore ? Pourquoi ce vieux truand paraît-il souriant dans cette masure, au milieu de ces épaves ? — Je m’approche : il lit le Petit Journal en caressant un chat qui ressemble à un vieux manchon.

Tout à coup je me trouve au milieu d’une place immense, pleine de décombres sur lesquels l’herbe commence à pousser. Sur les hautes buttes de terre, des enfants jouent et des femmes tricotent au soleil. Au loin, à l’horizon, une silhouette d’église ou de couvent, je ne sais, se détachant sur le ciel bleu au milieu des grands arbres, puis, vers la gauche, une masure fendillée sur laquelle je lis : Théâtre Saint-Marcel — un théâtre éphémère, car il va bientôt disparaître.

Mais je n’en finirais pas, cher lecteur, si je voulais tout dire, et vous êtes déjà trop bon d’avoir consenti à vous perdre avec moi dans ce quartier perdu.

Si toutefois vous voulez m’en croire et êtes amateur de sensations étranges et de flânerie pittoresque, au sortir des Tuileries ou de la Madeleine, faites-vous conduire bien vite derrière l’hospice de la Pitié et marchez au hasard jusqu’à l’Observatoire. Vous crotterez vos bottes, mais vous aurez lu un roman.

gustave droz.
Fontaine Cuvier.