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Au retour, il est vrai, l’auréole a disparu ; mais ce n’est plus alors qu’une femme qui revient.

III. — Une femme se promenant avec son mari n’est jamais une femme qui sort.

Toutefois, si, parti dans l’intention d’aller se promener à droite, le mari, croyant changer d’avis, va au contraire à gauche, et rencontre un ami de fraîche date, les casuistes le considèrent comme le mari d’une femme — qui sort.

IV. — Une femme peut encore sortir avec un enfant, lorsque cet enfant ne parle pas encore, ou avec une amie, quand cette amie doit la quitter en chemin.

V. — Une femme qui a sa voiture à elle ne commence à sortir que du moment où elle en descend.

Toute femme qui, partie à pied, prend une voiture de place, est une femme qui sort du moment où elle y monte.

VI. — Avant d’arriver où elle ne veut pas être vue, une femme qui sort va toujours où elle veut qu’on la voie.

VII. — Rien ne fait distinguer la toilette d’une femme qui sort à l’instant de son départ. C’est le chapeau du jour, c’est la robe nouvelle, c’est le châle qu’on lui connaît. — Mais bientôt le châle s’allonge, le chapeau s’avance, le voile descend, les dentelles disparaissent, les bijoux se cachent, et toute la toilette se referme et s’assombrit enfin comme un papillon qui replie ses splendeurs.

VIII. — Une femme qui sort prend toujours le côté opposé à celui où elle va.

IX. — Sans jamais retourner la tête, ni lever les yeux, une femme qui sort est magnétiquement avertie dès qu’elle est suivie ou seulement reconnue. Elle retombe alors subitement de poésie en prose, comme une sylphide de théâtre quand le fil qui la faisait légère vient à se casser.

X. — Un sot salue une femme qui sort, un fat l’évite en souriant, un galant homme ne la rencontre jamais.

La simplicité des axiomes de ce décalogue démontre qu’il est aussi facile de reconnaître une femme qui sort, qu’il est difficile de savoir où elle va.

Il est vrai que beaucoup de maris se contentent de ce qu’on leur dit, au retour, de l’endroit où l’on n’a pas été ; mais cette sagesse-là ne s’acquiert qu’à la longue et de souffrance lasse.

Il est encore vrai que quelques jaloux s’abaissent jusqu’à employer l’espionnage, ce qui les couvre toujours de confusion, en leur révélant dans leurs femmes une foule de vertus discrètes, de surprises touchantes et de prévenances délicates qu’ils étaient loin de soupçonner.

Sans partager l’indifférence des uns ni les injurieuses défiances des autres, examinons froidement les ressources de notre position.

De spirituelles et ingénieuses études sur les femmes ont été faites