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défend soit toléré par elle ; la justice qui ferme et rouvre les yeux à volonté n’est plus de la justice.

« Vous ne pouvez empêcher le duel, faites mieux : autorisez-le, éclairez-le ; ne forcez pas d’honnêtes gens, habitués à rechercher les aises de la vie, à aller au-devant de la mort dans les lamentables conditions qui sont celles de quatre-vingt-dix-neuf duels sur cent aujourd’hui. Qu’on ne soit plus réduit à promener ses ressentiments et ses témoins dans des fiacres avant d’en venir aux mains, et à s’aller faire estropier sournoisement, après vingt-quatre heures de réflexions pénibles et par tous les temps, dans des coins maussades, derrière de vieux murs ignorés ou au fond des bois, loin de tout regard, de tout contrôle et de tout secours humain. À la place de témoins souvent improvisés, et plus souvent inexpérimentés, qui font trop bon marché presque toujours ou de la vie, ou de l’honneur de leurs clients, imposez aux gens que pousse l’un contre l’autre une haine aveugle des parrains légaux, vraiment impartiaux et vraiment responsables ; que la loi, enfin, assiste les combattants et soit le vrai témoin du combat.

« Ayez, s’il le faut, un champ clos spécial hors duquel tout duel soit jugé comme une tentative d’assassinat ; n’oubliez, comme cela arrive trop souvent, ni le médecin, ni le chirurgien, ni le lit où le blessé devra recevoir les soins nécessaires, ni le notaire qui puisse recueillir les dernières volontés du mourant, ni le prêtre même qui doit l’absoudre, si, à sa dernière heure, il lui convient d’avoir recours à son ministère. Qu’on ne soit plus exposé, pour tout dire, à mourir dans un cabaret, ou à expirer dans les chemins de traverse qui doivent vous ramener sanglant au logis, tué par l’incommodité d’un voyage intempestif, aussi bien que par le fer ou le plomb.

« Le législateur fait quotidiennement des miracles pour sauvegarder les intérêts matériels, qu’il fasse des choses très-simples pour régler les intérêts moraux. Il règle les points de droit avec une sollicitude touchante, que cette sollicitude s’étende jusqu’aux points d’honneur, toujours infiniment moins embrouillés, et le nombre des duels ne tardera pas à diminuer. Tous les duels qui n’en sont pas, et, sans faire tort à la crânerie nationale, on peut dire que c’est le grand nombre, tous les faux duels seront ainsi et bientôt supprimés.

« Le duelliste, le spadassin, l’homme qui se bat pour que son nom soit dans les journaux, perdra quelque chose à cela ; tant mieux ! Quand les épées de la demi-douzaine de fous dangereux qui aspirent à mériter