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QUELQUES MOTS SUR LE DUEL
par p.-j. stahl

L’année 18.. fut féconde en duels littéraires. C’était le bon temps du journalisme. Quiconque avait l’honneur de tenir une plume devait en même temps savoir tenir une épée. Il s’ensuivait que, si l’on se battait alors un peu plus, on s’injuriait peut-être un peu moins. M. X…, écrivain de mérite, que la carrière administrative a depuis et trop tôt enlevé aux lettres, avait été le héros de deux rencontres malheureuses. On sait ce que cela veut dire : il était sorti de ces rencontres sans une égratignure ; mais, après avoir blessé dangereusement son premier adversaire, il avait tué le second.

« Il serait bien à vous, lui dit un jour un de ses collaborateurs, préposé sans doute aux comptes rendus de l’Académie des sciences morales, il serait bien à vous, et mieux qu’à un autre, de réagir contre cette manie du duel qui transforme nos bureaux en salles d’armes. » X… se laissa tenter. Il avait du papier devant lui, chose toujours dangereuse, et il écrivit au courant de la plume, sur le coin de la table de rédaction, l’article qui suit, que tout le monde n’aura peut-être pas oublié :

le duel.

« On a beaucoup parlé pour, contre et sur le duel. Je crois pourtant qu’on n’aura rien dit de définitif sur un sujet si controversé tant qu’on n’aura pas rassemblé en un dossier unique toutes les pièces du procès.

« Une histoire anecdotique du duel, depuis ses origines jusqu’à nos jours, serait le seul argument sans réplique contre un préjugé aussi vivace. Je voudrais que, dans le livre que j’imagine, aucun genre de duel ne fût oublié, depuis le duel sanglant et féroce jusqu’au duel innocent et grotesque. Rien n’est futile en si grave matière. La piteuse nomenclature des duels comiques et burlesques, parlerait certes aussi haut et plus utilement contre le duel que la liste des duels barbares et dramatiques. Il est clair que l’usage du duel se perpétuera aussi long-