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peut-être, ô misère ! d’être veuve. Je ne dis pas que tu souhaites la mort de ton mari ; ce n’est pas plus ton vœu que le mien, quoique nos positions se ressemblent beaucoup ; mais nous devinons, toi et moi, le bonheur d’être libres avec l’expérience que nous avons acquise. Dieu ! comme on doit respirer à pleine poitrine en sortant des prisons de la communauté conjugale pour entrer dans le paradis du veuvage ! Veuve ! veuve ! mais on va où l’on veut, mais on voit qui l’on veut, mais on sort quand on veut, mais on rentre si l’on veut ! N’est-ce pas, chère Anaïs, que telle est pour une femme la position sociale qu’elle peut appeler à bon droit le bonheur ?

« Patience, bonne amie ; en attendant, prenons tout le plaisir que nous permettent de prendre l’absence de mon mari, un excellent homme au fond, et dont je n’ai pas à me plaindre, et la maladie du tien, qui est bien long, je trouve, dans sa maladie. Dis-lui mille choses aimables de ma part.

« Adieu ! vite ce roman et cette loge de spectacle.

« Ta fidèle,
« Julie Vol…… »

dernier échantillon du style d’une parisienne en 1844.
Mémoires d’une jeune et honnête femme mariée à un marchand de couleurs de la rue de la Verrerie.

« Je suis mariée depuis le 20 janvier 18.., c’est-à-dire depuis quinze jours environ. Mon Dieu ! que ce peu de temps écoulé a apporté de changement dans mes idées ! Est-ce moi qui ai tort, est-ce le mariage ? Je ne sais. Voici mes impressions ; plaise au ciel que je ne sois pas dérangée en les fixant sur le papier, afin de pouvoir me juger un jour avec impartialité !

« Le mariage, m’avaient dit mes bonnes compagnes du pensionnat, est la réalisation de nos rêves les plus poétiques. Les tendres frémissements ressentis à la vue d’un jeune homme, les inquiétudes que nous éprouvons au retour du printemps, au lever de la lune derrière les acacias, les besoins de pleurer qui nous prennent sans motif, me disaient-elles encore, s’expliquent dès qu’on se marie. L’âme a deviné le mot de l’énigme. Et je sortis de pension.

« Je me disais, sans être tout à fait aussi romanesque que mes jeunes camarades : Il n’est pas possible que mes parents m’aient gardée dix ans en pension, qu’ils m’aient fait enseigner l’italien, l’allemand, l’an-