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une condition d’existence. Quand chacun fut intéressé à savoir si l’ennemi menaçait Verdun ou Metz, chacun eut besoin de lire, avant de se coucher, les papiers publics. L’empire et ses effrayantes levées d’hommes propagèrent ce besoin de connaître par la voie de l’impression les crises dévorantes du moment, les incidents de la guerre, les progrès de la conquête. Quelle Parisienne n’eut pas à s’enquérir du sort ou d’un père, ou d’un frère, ou d’un fiancé attaché à l’armée d’Italie ou d’Egypte ? Les bulletins de la grande armée ont plus fait pour l’éducation des Parisiennes que tous les livres où les philosophes et les philanthropes du dix-huitième siècle leur recommandent l’instruction. Napoléon a appris à lire aux Parisiennes. Le professeur leur a coûté cher.

jusqu’où est allé ce progrès.

Ce beau mouvement s’étant continué sous la restauration, les Parisiennes apprirent à écrire assez correctement. Elles bronchaient bien encore devant l’accord des participes, devant l’imparfait du subjonctif, devant l’orthographe de certains mots, mais enfin elles en savaient beaucoup plus que leurs mères, dont les lettres d’amour, surprises à la dérobée dans quelque coin, les faisaient sourire par leur grande naïveté grammaticale.

style d’une parisienne en 1844.
album de la fille d’une portière.

« Le bonheur est partout, dit-on. Pensée juste, expression fausse. Il est dans le cœur, c’est-à-dire dans un organe qu’on porte partout. »


« J’ai lu Byron et Paul de Kock ; je ne relirai jamais Paul de Kock, quoique je serais fâchée de ne l’avoir pas lu. Les grands écrivains sont donc ceux qu’on voudrait relire ? »

« J’ai bien souvent, en riant, tiré le cordon à de jolies et riches locataires qui me le demandaient en pleurant. Auraient-elles voulu être à ma place ? Je ne le crois pas. Ai-je souhaité d’être à leur place ? Peut-être. Il y a donc des félicités inutiles et des malheurs auxquels on tient ? »


« J’ai toujours senti battre mon cœur en voyant le facteur déposer une lettre sur la table. C’est bien peu de chose, mais c’est un mystère ; il n’y en a pas de petit pour une femme. »