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attribuer à cette violation d’une exacte nationalité le goût déterminé de la Parisienne pour la campagne, surtout pendant l’été, quand la violette bleuit la bordure des jardins, et que la fraise court le long des coteaux de Marly et de Meudon. Dans son cœur, si peu primitif, il reste toujours un coin où fleurit l’idylle.

À peine née, on la roule dans du linge et on l’envoie, à la grâce de Dieu, aussi loin que possible, chez une nourrice qui l’accroche à un clou pendant le jour, et l’étouffe sous des couvertures pendant la nuit, pour ne pas l’entendre crier, et on n’y pense plus. Un beau jour, au bout de dix-huit mois, deux ans, le père dit « Nous avons pourtant une fille en nourrice ! — Cette chère enfant répond la maman, il serait bien temps de la retirer. J’écrirai un de ces jours à la nourrice. »

En effet, la semaine suivante une paysanne rapporte dans ses bras, entre un gros bouquet de fleurs des champs et un fromage rond, une petite fille sauvage qui appelle son véritable père vilain et qui détourne la tête quand sa maman veut l’embrasser. Telle est l’entrée dans le monde de cette merveille qu’on aurait tort, on le voit, de croire bercée par les Grâces, et éveillée au son des instruments. La nature fait presque tout pour la Parisienne ; enfant, elle lui donne cet air pâle et rose, cet air de santé et de distinction que n’ont pas les enfants étrangers, pas même les enfants anglais ; jeune fille, elle lui souffle cet esprit précoce dont la pénétration et la gentillesse sont un sujet d’ébahissement et souvent d’effroi pour les bons provinciaux. Elle est curieuse, fine, spirituelle, à huit ans, et sensée, si l’occasion l’exige, comme on ne l’est pas, et comme elle ne l’est plus elle-même à vingt ans. Il y a là un