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quatre à cinq lieues d’épaisseur, ce qui n’est qu’une pellicule pour un globe qui à plus de quinze cents lieues de rayon. La plus grande partie de la terre est donc toujours incandescente, et les éruptions volcaniques, les tremblements de terre sont là pour nous avertir que le globe n’a rien perdu de sa puissance interne, et qu’il suffit d’un de ces caprices, de quelques boursouflures, de quelques rides à sa surface, pour anéantir à jamais nos royaumes, nos cités, notre orgueil, nos discordes, et nous réduire, rois et vilains, hommes d’État et danseuses, académiciens et feuilletonistes, à l’état des anoplothères et des paléothères de Montmartre. Comme ces anciens habitants de Paris, nous vivons sur des ruines ; et il n’y a qu’une mince écorce de boue refroidie qui nous sépare du néant. Voyez-vous, quelque jour, les créatures qui succéderont à l’homme, créatures parfaites sans doute, douées de toutes les beautés, de toutes les puissances, de toutes les facultés, qui chercheront nos traces dans quelque marne irisée ou dans quelque carrière à plâtre ? Voyez-vous les Cuvier de ce temps, s’apitoyant sur les misères et les imperfections, de notre espèce, se perdant en conjectures sur nos livres, nos canons, nos machines à vapeur ? Voyez-vous un futur Élie de Beaumont faisant un cours de géologie sur nos débris fossiles, exposant le cœur de nos Parisiennes ou le crâne de nos savants aux rires sceptiques de son auditoire, ou bien discutant sur le tibia de la Taglioni ou l’humérus de M. Bugeaud ? Et maintenant, soyons fiers de notre civilisation et de nos vaudevilles, de nos législateurs et de nos gendarmes ; contemplons-nous dans notre gloire d’électeur, de ténor, d’avocat, de dandy ; gonflons-nous de notre importance, de nos chevaux, de notre tailleur, de nos sacs d’écus, pour que nos chers successeurs, les Parisiens futurs, ces créatures bénies du ciel, qui vivront peut-être sans journaux à lire et sans garde à monter, viennent confondre nos restes avec ceux des mollusques et des crustacés, chercher nos ossements fossiles dans la houille, le grès vert ou la meulière, et faire de nos plus beaux débris des bornes pour leurs rues ou des moellons pour leurs palais !

théophile lavallée.

Les vignettes contenues dans cet article sont tirées d’un livre célèbre « l’Histoire des révolutions du globe, par A. BERTRAND. » (1 vol. in-18. 3 fr. 50 c.)