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commentaire ou l’on explique la felichitta du finale de tous les opéras, même de celui du mariage.


Qui n’a pas entendu dans sa vie un opéra italien quelconque ?… Vous avez dû, dès lors, remarquer l’abus musical du mot felichitta, prodigué par le poëte et par les chœurs à l’heure où tout le monde s’élance hors de sa loge, ou quitte sa stalle.

Affreuse image de la vie : on sort au moment où l’on entend la felichitta.

Avez-vous médité sur la profonde vérité qui règne dans ce finale, au moment où le musicien lance sa dernière note et l’auteur son dernier vers, où l’orchestre donne son dernier coup d’archet, sa dernière insufflation, où les chanteurs se disent : « Allons souper ! » où les choristes se disent : « Quel bonheur, il ne pleut pas !… » Eh bien ! dans tous les états de la vie, on arrive à un moment où la plaisanterie est finie, où le tour est fait, où l’on peut prendre son parti, où chacun chante la felichitta de son côté. Après avoir passé par tous les duos, les solos ; les strettes, les coda, les morceaux d’ensemble, les duettini, les nocturnes, les phases que ces quelques scènes, prises dans l’océan de la vie conjugale, vous indiquent, et qui sont des thèmes dont les variations auront été devinées par les gens d’esprit tout aussi bien que par les niais (en fait de souffrances, nous sommes tous égaux !), la plupart des ménages parisiens arrivent, dans un temps donné, au chœur final que voici :

l’epouse, à une jeune femme qui en est à l’été de la Saint-Martin conjugal. — Ma chère, je suis la femme la plus heureuse de la terre. Adolphe est bien le modèle des maris : bon, pas tracassier, complaisant. N’est-ce pas, Ferdinand ?

(Caroline s’adresse au cousin d’Adolphe, jeune homme à jolie cravate, à cheveux luisants, à bottes vernies, habit de la coupe la plus élégante, chapeau à ressorts, gants de chevreau, gilet bien choisi, tout ce qu’il y a de mieux en moustaches, en favoris, en virgule à la Mazarin, et doué d’une admiration profonde, muette, attentive pour Caroline.)

le ferdinand. — Adolphe est si heureux d’avoir une femme comme vous ! Que lui manque-t-il ? Rien.