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cousin d’Adolphe. Entre le premier et le second service, on parle du bonheur conjugal.

« Il n’y a rien de plus facile à une femme que d’être heureuse, dit Caroline en répondant à une femme qui se plaint.

— Donnez-nous votre secret, madame, dit agréablement M. de Fischtaminel.

— Une femme n’a qu’à ne se mêler de rien, se regarder comme la première domestique de la maison, ou comme une esclave dont le maître a soin, n’avoir aucune volonté, ne pas faire une observation, tout va bien. »

Ceci lancé sur des tons amers et avec des larmes dans la voix épouvante Adolphe, qui regarde fixement sa femme.

« Vous oubliez, madame, le bonheur d’expliquer son bonheur, » réplique-t-il en lançant un éclair digne d’un tyran de mélodrame.

Satisfaite de s’être montrée assassinée ou sur le point de l’être, Caroline détourne la tête, essuie furtivement une larme et dit : « On n’explique pas le bonheur. »

L’incident, comme on dit à la Chambre, n’a pas de suites, mais Ferdinand a regardé sa cousine comme un ange sacrifié.


On parle du nombre effrayant des gastrites, des maladies innomées dont meurent les jeunes femmes.

« Elles sont trop heureuses ! » dit Caroline en ayant l’air de donner le programme de sa mort.


La belle-mère d’Adolphe vient voir sa fille. Caroline dit : — Le salon de Monsieur, — la chambre de Monsieur ! Tout, chez elle, est à Monsieur.

« Ah çà, qu’y a-t-il donc, mes enfants ? demande la belle-mère ; on dirait que vous êtes tous les deux à couteaux tirés ?

— Eh ! mon Dieu, dit Adolphe, il y a que Caroline a eu le gouvernement absolu de la maison et n’a pas su s’en tirer.