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basse de l’état mental du pauvre chasseur… On proposa d’écrire à sa famille ; puis, pour ne pas le surexciter, on convint d’éviter ce sujet de conversation. — Quant-au Parisien, il avait tout écouté, tout entendu ; il était ébahi et n’avait pas d’opinion.

Les choses ainsi disposées, on arrêta une partie de chasse pour le lendemain. — Cette fois le Parisien n’avait pas la migraine et il était impatient de faire ses premières armes. — Après une heure de marche, on aperçut un lapin qui broutait sur le bord d’un fossé.

« Voilà une belle occasion pour un débutant ! » dit-on de toutes parts.

Et on mit aux mains du Parisien un joli petit fusil de dame.

« Prenez votre temps… ajustez ! C’est, bien… Tirez ! »

Le coup part, et le lapin roule dans le fossé.

« Tué !… je l’ai tué ! s’écrie le Parisien.

— Eh bien, allez le ramasser. »

Le Parisien court au fossé ; mais au moment où il croit saisir sa proie, le lapin se redresse et tire au Parisien un coup de pistolet à bout portant.

Le Parisien revient pâle, effaré…

« Eh bien ?… Voyons le lapin.

— Oh ! messieurs, réplique le Parisien d’une voix éteinte, il n’y a plus à plaisanter… c’est très-vrai : les lapins se défendent… J’ai failli être assassiné. »

Ici, le Parisien s’évanouit et l’histoire est finie.


Le spectacle a Paris. — Le spectacle est un plaisir tout parisien ; — au delà des barrières, il n’y a plus que des imitations bâtardes, des salles vides et sombres, des acteurs gelés, qui semblent dire à leurs rares spectateurs : « Je voudrais bien aller à Paris. » — Le brave Castor, le joyeux Polydore et l’intrépide Galuchet font de louables efforts pour justifier la subvention municipale ; ils ont parfois du talent, ces artistes. Mais il leur manque ce grand stimulant sans lequel la même comédie, récitée chaque soir, n’est plus qu’un exercice digne de Charenton. — Il leur manque un public. — À l’encontre de Paris, qui aime à se répandre sur la voie publique, la province aime à vivre à huis clos ; — le café, le cercle, les longs dîners de famille, le couvre-feu à dix heures ; voilà les joies de la province. — Quant à ces histoires en prose et en vers, en chansons et en pirouettes que nous débitons sur nos théâtres, que voulez-vous qu’en fasse la province ? D’abord, elle ne les