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MONOLOGUE DE FLAMMÈCHE


Flammèche avait lu jusqu’au bout sans mot dire.

Quand il fut arrivé à la dernière strophe, à la dernière note de cette plainte amère, il se leva épouvanté et se demanda pour la seconde fois s’il ne ferait pas bien de reprendre immédiatement la route des enfers.

« Eh quoi ! pensait-il, serait-il vrai qu’un mal infini pût trouver place en un monde si borné ? serait-il vrai que ces maisonnettes enfumées, que ces petites femmes, que ces poitrines débiles, pussent contenir de si extrêmes misères ? »

Son regard s’étant alors porté sur la rue, Flammèche vit la foule qui s’y pressait. Dans cette foule, il y avait en effet des riches et des pauvres, des faibles et des forts, des hommes en haillons et d’autres élégamment vêtus. Il y vit aussi des méchants et même quelques bons !…

D’hommes heureux, et sur la figure desquels on ne pût lire l’expression d’un désir, d’une convoitise ou d’un regret, il n’en vit guère.

Mais ayant regardé une seconde fois et avec plus d’attention, de façon à lire jusqu’au fond des âmes les plus repliées sur elles-mêmes, il en vint à reconnaître dans cette même foule, où il n’avait vu d’abord que des intérêts égoïstes, que des passions rivales, que des appétits contraires, — des pères et des enfants, des frères et des sœurs, des époux et des amants, des liens visibles et des liens invisibles. Il y vit enfin qu’il n’y avait pas de cœur si pervers qu’il n’y restât, comme un