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et réfléchi de cette illustre assemblée, qu’il n’a rien manqué à mon discours, et que mon succès est complet.

XII

— Peste soit du bavard ! » dit Satan en laissant échapper un geste de joie quand l’ombre eut cessé de parler. Mais il n’en était pas quitte encore, et, quoi qu’il en eût, force lui fut d’entendre une nouvelle ombre qui, pendant le discours du pauvre professeur, s’était avancée jusque sur les degrés de l’estrade, en donnant, tant que dura ce discours, les marques de la plus vive indignation.

« Sire, dit cette ombre, ne jugez point les philosophes ni la philosophie sur les propos de ce bonhomme, qui n’a jamais su évidemment ce que philosopher voulait dire. S’il se trouve encore là-haut quelques âmes candides courant sur les chemins arides de la science après la sagesse, elles n’ont pour auditeurs que la foule ; mais les véritables représentants de la philosophie ont mieux compris leur mission : ce n’est ni dans les livres, ni sous des amas de notes, et encore moins au fond des puits, qu’ils ont cherché la vérité, mais bien sur les marches des trônes, où les passions populaires l’avaient forcée de se réfugier ; amants courageux des gouvernements constitués, les partis vaincus ont senti ce que pesait leur colère, et les rois eux-mêmes ont appris, — à leurs dépens, — que, s’ils servaient le pouvoir, c’était par amour pour le pouvoir lui-même et non par un sot attachement pour celui qui l’occupe ; les philosophes…

— Les philosophes !… s’écria Satan, j’en ai par-dessus la tête, des philosophes et de la philosophie. S’il résulte quelque chose de ce que vous m’avez tous débité, c’est que rien au monde ne saurait vous mettre