Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 1.djvu/176

Cette page a été validée par deux contributeurs.

coiffée de son plus frais bonnet, couverte de son linge le plus fin et le plus blanc, sortant elle-même du bain : elle avait fait de la coquetterie avec la mort, la jolie coquette ; et la mort était venue avec avidité poser sa main glacée sur le sein nu de sa belle fiancée ; mais heureusement Marc-Antoine était arrivé à temps, et il voyait ce front pur et blanc s’animer, ces yeux aux reflets veloutés s’ouvrir et se refermer avec étonnement ; il voyait ces lèvres s’agiter pour recevoir l’air pur qu’il lui prodiguait par la porte et les fenêtres ouvertes ; il voyait ce sein se soulever sous les longues aspirations qui ramenaient la vie.

Qu’elle était belle ! Mais, disons-le, à ce premier moment Riponneau ne pensait point à regarder tout cela, si ce n’est pour épier avec anxiété la résurrection de l’infortunée.

Enfin vint un moment où la vie fut tout à fait reprise à ce beau corps.

Juana voulut parler, Juana voulut interroger, on lui imposa silence, on lui ordonna le repos ; elle voulut se lever et fuir, et ce fut à ce moment qu’elle s’aperçut du désordre où elle avait été surprise, et que d’elle-même, rougissant et plus belle encore, elle se cacha dans ce lit sur lequel elle avait été déposée.

Alors les larmes vinrent.

Les larmes, cette rosée qui tombe du cœur et qui le laisse un moment tranquille et reposé, comme les flots de pluie qui s’échappent d’un nuage chargé d’orages, et qui rendent un instant au ciel son calme et sa transparence, jusqu’au moment où le soleil reprend cette pluie pour en faire un nouvel orage, comme le cœur rappelle ses larmes pour de nouveaux désespoirs.

C’était là de la poésie du voisin pendant qu’il regardait s’endormir Juana épuisée de fatigue et de pleurs. Riponneau la regardait aussi, mais non point, comme il la voyait maintenant, emmaillottée de ses draps par-dessus son bonnet, mais comme il l’avait vue au moment où il ne la regardait pas, quand elle était étendue sur son lit dans le simple appareil… (vous savez l’autre vers) ; et ce souvenir lui revenait si vif, si charmant, si délicieux, que, malgré l’ennui qu’il avait éprouvé à écouter les histoires du voisin, il voulut l’interroger sur celle de la pauvre fille qu’il avait sauvée.

« Vous qui connaissez tous les gens de cette maison, lui dit-il, vous devez savoir quelle est cette Juana, et vous devez savoir surtout ce qui l’a poussée à cet acte de désespoir.