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ration tous ceux à qui elle a récité les magnifiques musiques de Gluck, de Rossini, de Mozart. En peu d’années la gloire est venue, la fortune est venue ; et pour que rien ne manque au triomphe de cette vanité ambitieuse, les plus beaux et les plus élégants de l’époque sont venus déposer leur amour à ses pieds ; elle a goûté avant de choisir, dit-on, et elle a choisi celui que les plus belles et les plus nobles se disputaient. Cet homme l’adore, il est son esclave, et n’est point comme M. Domen, il n’a pas peur de son amour, il s’en pare, il en fait montre ; et comme je ne crois pas que la Débora ait appris dans son enfance les délicatesses qui font le malheur de Mme de Montès, comme dans sa position l’amour est presque de droit, comme je ne lui suppose pas de remords pour ses faiblesses, je ne vois pas ce qui peut troubler un bonheur si parfait ; car c’est non-seulement le bonheur, c’est le triomphe, c’est la victoire. Mme de Montès est moins qu’elle n’eût dû être ; elle en souffre, je le conçois. Mais cette Débora est plus qu’elle n’a jamais pu le rêver ; et si celle-là n’est pas heureuse, qui le sera ?

— Personne probablement, répondit le voisin, puisque vous ne l’êtes pas vous-même ; car Débora a son enfer comme Mme de Montès.

— Elle est jalouse de son amant ?

— Non.

— Elle est jalouse de ses rivales de l’Opéra ?

— Non.

— Elle est peu satisfaite du public ?

— Ce n’est pas cela.

— Qu’a-t-elle donc ?

— Ah ! fit le vieux voisin en se grattant le nez, ceci est difficile à vous faire comprendre. »

Puis il continua :

« Êtes-vous artiste d’une façon quelconque ?

— Non.

— Avez-vous jamais été autre chose que commis ?

— Non.

— Avez-vous fait quelques dépenses extravagantes ?

— Jamais.

— Voyons, avez-vous quelque ami qui soit riche ou qui mange de l’argent comme s’il l’était ?

— Oui.