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Mexique. Je me suis excusé, mais il a mis une telle insistance que j’ai été vraiment touché. Excellent garçon que ce brave Paul !

— Ah ! fit Louise.

— Oh ! mais je n’irai pas… très-probablement. »

Raoul se leva de table, embrassa sa femme et se dit à lui-même :

« Il est bien clair que si je n’étais pas le modèle des maris, rien ne me serait plus facile que d’aller là-bas, d’autant plus qu’au fond c’est fort innocent. »

Vers cinq heures et demie il rentra chez lui.

« Bast ! dit-il, j’ai peur de fâcher le brave Paul, je vais aller dîner chez lui. Cela ne te chagrine pas, n’est-ce pas, ma petite Louise ? D’ailleurs, j’ai pensé à une chose : je vais te déposer chez ta tante, tu dîneras avec elle, et Jean ira te reprendre. Moi, je vais à pied, cela me fera du bien, je ne fais pas assez d’exercice. Est-ce convenu ?

— Comme vous voudrez ; mais ne vous donnez pas la peine de me conduire chez ma tante, j’irai de mon côté. »

Une demi-heure après, Raoul, beau comme un astre, le sourire aux lèvres et cravaté de bleu, montait dans un coupé de louage et se faisait conduire au bois de Vincennes. Il lui sembla qu’il était plus léger de cinquante livres et il monta l’escalier du chalet en se disant : « Après tout, elle ne le saura pas ! »

C’est avec un certain plaisir qu’il retrouvait cette odeur de cuisine particulière aux restaurants, ce bruit d’assiettes, de plats ; qu’il vit les garçons affairés escaladant les escaliers, la serviette sous le bras et des couverts dans la poche de la veste.

« Monsieur est seul ? lui dit l’un d’eux.

— Oui, mais j’attends quelqu’un. Le no 3 est libre, n’est-ce pas ?

— Oui, monsieur. »

Le garçon ouvrit une petite porte, et Raoul entra tout joyeux. Il lui sembla que le garçon lui lançait un regard qui voulait dire : « Mauvais sujet, va ! » et il fut ravi.

« Monsieur ne commande rien d’avance ?

— Non, j’attendrai. » Il ôta son chapeau et inspecta la pièce. C’était l’éternel cabinet qu’il avait vu cinq cents fois : papier rouge à ramages d’or, divan à trois coussins et trop mou, pendule en bronze doré représentant une bergère sur une fontaine, et deux pots de fleurs sans fleurs ; un piano droit flétri et sans clef attendait le Désert, comme les ânes de Montmorency attendent leur cavalier ; un tapis où toutes les bottes de