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Malgré la bonne amitié de son jeune ami, Harry Pimberton, George, aux heures du soir, recherchait l’ombre et la solitude ; il s’isolait pour se noyer dans les souvenirs. Là, près du bord, les yeux perdus sur l’immensité de la mer, tournés vers le ciel de la patrie, abritant tous ceux qui lui étaient chers, il revenait au foyer de son père, revoyait sa vieille mère, qui l’aimait d’un amour profond, visitait le lieu saint où Alexandrine lui avait juré fidélité, le soir des adieux, où ses larmes avaient coulé silencieuses devant l’autel de la Madone. Et puis, là bas, au fond de l’allée peuplée d’érables et de trembles dont les feuilles commençaient à tomber tristes, sur le sol, il apercevait à la fenêtre, plongée dans une douloureuse mélancolie, l’enfant qu’il adorait et dont le souvenir ne le quittait plus. Parfois, le front appuyé dans ses deux mains, il se parlait à lui même jusqu’à l’heure du rappel. Il avait pour Alexandrine des paroles de flammes ; et, dans son ardeur, il saisissait cette petite croix d’or donnée au départ, et il la pressait sur ses lèvres humides.

Le souvenir est l’âme de la vie,


a dit le poëte. Oh ! quel est l’amoureux, quel est le cœur épris qui n’a pas, dans l’absence, compris la justesse de cette pensée ? C’est un don du ciel qu’a cette faculté si noble, de pouvoir dans les moments d’ennui, quand le cercle des affections intimes semble se rétrécir autour de nous, de pouvoir reve-