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mers, je ne pourrai pas, aux heures d’ennui, me dire : « Au village quelqu’un, à part ma mère, pense à moi ? » J’aurai au cœur une plaie mortelle, car on a dit : Les blessures du cœur sont universelles, et sans courage pour l’avenir, sans force dans les épreuves, tourmenté par ce cœur qui n’aura pu rencontrer le ferme appui qu’il désirait, j’irai par le monde, traînant partout mon malheur comme l’esclave son boulet, sans pouvoir me dire : Je puis être libre en n’aimant plus !

Il se tut de nouveau. Mon Dieu ! venez à mon secours, se dit-il en lui-même. Oh ! pourquoi, pourquoi son cœur ne répond-il pas au mien ?

Alexandrine venait de soupirer. Son œil était humide ; et une couleur rose ornait son front ordinairement blanc comme le marbre.

Écoutez, George, mon cœur ne pourrait refuser un pauvre enfant, comme vous dites, qui me tend la main. Sachez le, George, pour votre bonheur et pour le mien, j’aime quelqu’un, et cet amour est mon bonheur vivace.

George se prit à pâlir. Il avait un rival, lui.

Oui, George, je l’aime de toutes les forces de mon âme, et son départ me brisera le cœur ; cet homme qui a blessé mon cœur, C’est vous…

À peine achevait-elle ces mots qu’elle bondit comme si un serpent l’eut mordue. Un bruit sec et mat, comme la détente d’un fusil, s’était fait entendre. Aussitôt un petit oiseau sortit du fourré en jetant à la brise son cri joyeux.

C’est une branche sèche qu’il aura cassée, dit