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Le silence s’était fait entre ces deux cœurs faits pour se comprendre et s’aimer sincèrement. Alexandrine distraite effeuillait une rose sauvage cueillie à ses pieds ; ses lèvres s’agitent comme dans une invocation, chaque fois qu’elle arrache une pétale de cette fleur délicate. George la regarde et cherche à comprendre ce que la jeune fille peut dire à la rose. Il entend bien ces paroles : « Il m’aime un peu… » et le pétale enlevé par la jeune fille tombe sur le gazon ; « il m’aime beaucoup… » le pétale ne se détacha pas de la corolle, car la main de George s’était appuyée sur le bras d’Alexandrine et l’arrêtait presque involontairement. La jeune fille surprise, retira son bras aussitôt, et levant sur George ses grands yeux si pleins de douceur :

— Que me voulez-vous, Monsieur George ?

— Oh ! pardon, mademoiselle, ça été involontaire ; je vous assure que je me suis oublié ; mais l’esprit est souvent dominé par le cœur qui ne raisonne pas toujours. Dites-moi donc, je vous en supplie, le nom de cet heureux mortel de qui vous sembliez parler, en effeuillant votre rose ? Ne me cachez pas ce secret, et moi je saurai bien courber la tête.

— Que dites-vous donc ? Vraiment je ne sais où vous voulez en venir.

— Mademoiselle, j’aime autant vous avouer franchement ce que j’éprouve pour vous, plutôt que de souffrir dans les étreintes d’un doute mortel vient d’augmenter vos paroles, en effeuillant la fleur sauvage dont les pétales gisent là, à vos pieds. Comment, Mademoiselle, n’avez vous pas compris ? Vous savez