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piano auprès duquel George, tout rêveur, se sent joyeux de cette arrivée qui va lui permettre de lui adresser la parole.

En vain, les paroles, montent du cœur aux lèvres de George, le trouble de son âme lui ferme la bouche. Enfin, rompant le silence :

— Je suis doublement heureux, mademoiselle !

— Vraiment ? On ne le dirait pas à vous voir tout rêveur, écoutant à peine mon père, qui vous parlait.

— Vous vous en êtes aperçu ?

— Dites-moi donc ce que ne voit pas l’œil d’une femme ?

Ces paroles, dites avec engouement et accompagnées d’un regard si doux, trouva déjà le chemin si facile du cœur de George. Elle ne savait pas, la chère enfant, le trouble qu’elle avait jeté dans ces deux jeunes âmes, encore au seuil de la vie.

Comme M. Boildieu rentrait au salon, après s’en être absenté, quelques instants, Alexandrine commença de sa voix douce comme la brise du soir dans la ramée, une romance sentimentale des grands maîtres d’alors ; puis, passant du grave au léger, ce fut bientôt que trilles harmonieux, expressifs, tendres et passionnés à la fois. La musique enjouée aidant au timbre de sa voix et à la grâce de son chant, Alexandrine sut ravir et mériter de sincères félicitations. On ne connaissait pas ces impressions banales d’une froide politesse, expressions consacrées par une répétition devenue mode. Elle finissait à peine sa chanson, ses doigts légers et distraits improvisant un chant devenu plus grave, quand elle entendit ces mots, aussi doux qu’une harpe éolienne :