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de son cou. La mort ne s’était pas fait attendre ; son âme était devant son Juge.

— Mais l’autre ? disent les auditeurs.

L’autre ? rien encore. Le Chef, sûr de la mort de son fils, stoïque comme tous les enfants des bois, ne lui donne pas seulement un jour de vie. Il revient au corps de la jeune fille que le père contemplait, cherchant sur ce visage décoloré un signe, un vestige de vie. Il la prenait dans ses bras comme pour la réchauffer. Plus d’espoir, Chef, dit-il.

Pour le mien.

— Et moi ?

— Sais pas. Va voir. Lui ouvrant, les yeux, il touche la prunelle de l’œil. Un léger mouvement lui fit dire au malheureux père : Attends.

Un rayon de joie illumina la face blême du père de la jeune fille. Bientôt, il eut le bonheur si intense de revoir son enfant, assise au pied d’un arbre, les yeux encore égarés, mais ayant encore assez de connaissance pour se jeter dans les bras de son père.

Sauvée ! s’écria t-il, sauvée !

En effet, grâce à la faible pesanteur de son corps, après s’être aidé de ses mains et de ses pieds, elle avait retardé l’heure de la mort. Elle était saine et sauve, mais bien faible, bien brisée. Son pauvre corps brisé, disloqué, la faisait beaucoup souffrir. Qu’importe, elle vivait. C’était le principal.

Quelle fut la douleur de ces trois personnages en voyant étendu sur l’herbe, le corps du malheureux fils du Chef !