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coule dans les veines, méprisant la barrière que la nature a voulu mettre entre l’humble enfant des bois et moi, n’écoutant que la voix du cœur qui n’est pas toujours celle de la raison, je suivis mon inclination. J’aurais dû combattre ce désir insensé, mon tourment. Maintenant je vois que j’ai fait un rêve, et le réveil m’est pénible ; il me brûle le cœur. Va, maintenant, loin de la pauvre enfant qui eut le malheur de t’aimer. Je croyais ton cœur sensible.

Comme elle achevait de prononcer ces paroles, le fils du Chef, l’enlaçant dans ses bras, la précipitait au fond de son canot et gagnait l’île à force de rame.

Le père, averti de la disparition de son enfant, courut au rivage. Rien. Là-bas seulement, au bout de l’Ailerond, un canot. Ce sont eux. Holà ! Chef s’écrie le père de la jeune fille, un canot ! En un rien de temps les deux pères voguaient à la poursuite de leurs enfants. Le détour de la rivière leur prit assez de temps à parcourir. Déjà le canot des deux amoureux avait fait terre à l’île. Les poursuivants arrivent enfin auprès du canot fugitif, amarré à la rive. À peine ont-ils fait quelques pas que deux mêmes cris de douleur s’échappèrent de leur poitrine. Aux branches d’un arbre, l’un à droite autre à gauche, deux corps se balancent dans l’espace vide.

Vivaient-ils encore ? Problème qu’ils allaient résoudre. En un moment les deux corps reposent sur l’herbe. Les deux pères, penchés sur le corps de leur enfant respectif, auscultent leur poitrine. Hélas ! plus d’espoir pour le malheureux fils du Chef. Le poids de son corps a serré la corde vivement autour